La fausse couche :  la catastrophe ordinaire dont je veux vous parler - Nouvelle Page Santé

La fausse couche :  la catastrophe ordinaire dont je veux vous parler

Un matin je suis arrivé au bureau… et j’ai fondu en larmes.

La veille, j’avais accompagné mon épouse chez le gynécologue, pour une seconde échographie. Mais nous avons tout de suite compris que quelque chose clochait. Le coeur ne battait pas comme il fallait.

Le gynécologue avait visiblement l’habitude de cette situation. Il a fait preuve d’autant de tact que possible pour nous expliquer que l’embryon ne se développait pas comme il devrait.

Puis il est passé aux solutions techniques. Laisser faire la nature, ou prévoir un curetage.

Nous n’avions pas encore assimilé l’idée que notre enfant allait mourir, qu’il fallait déjà décider comment le faire disparaître.

Plus d’une grossesse sur 10 se termine en fausse couche

On appelle “fausse couche” une grossesse qui s’interrompt de manière spontanée avant que l’embryon ou le fœtus ne soit viable, soit avant 22 semaines de grossesse environ.

Cette catastrophe ordinaire touche toutes les familles. Elle concerne 1 femme sur 4 dans sa vie.

C’est le cas de 12 à 15% des grossesses, un nombre probablement sous-estimé car certaines fausses couches ont lieu tellement tôt que parfois les femmes ne s’en rendent même pas compte[1].

Selon une étude néerlandaise, moins d’un tiers des grossesses – définies comme la fécondation d’un ovule par un spermatozoïde – se terminent par une naissance[2] !

C’est un désastre discret, dont on ne parle pas, dont on a souvent honte, pour de mauvaises raisons.

Lorsque ce malheur banal nous a frappés, nous avons été stupéfaits du nombre de gens qui nous ont dit : “Nous aussi, ça nous est arrivé, mais on ne l’a pas dit”.

Une grossesse mal partie, que le corps choisit d’interrompre 

Le terme “fausse couche” est tristement explicite, presque cru, Comme en anglais ou on parle de miscarriage ou ”grossesse manquée”.

La fausse couche est une grossesse qui ne fonctionne pas.

Pour la grande majorité, cela arrive sans aucune cause extérieure.

Il y a des exceptions bien sûr : 

  • des traumatismes (violences conjugales notamment) ;
  • des infections (par exemple bactériologiques) ;
  • des intoxications (par exemple l’alcool) ;
  • des irradiations (l’exposition à des champs magnétiques ou à des radiations ionisantes) peuvent aussi provoquer une fausse couche.

Mais le plus souvent, c’est  le corps qui décide d’interrompre la grossesse car l’embryon n’est pas viable.

Comme le dit le docteure Daniela Huber, cheffe du Service de gynécologie et obstétrique de l’Hôpital du Valais en Suisse : “La fausse couche précoce est un événement fréquent et normal, par lequel la nature sélectionne les embryons viables[3].

Le plus souvent, les embryons éliminés ne sont pas viables à cause d’anomalies chromosomiques.

La grossesse est un état dangereux et épuisant pour la mère. L’accouchement comporte des risques importants. 

La nature semble donc avoir développé une sécurité en début de processus, pour éviter autant que possible de mettre en danger la mère inutilement. Si le fruit de la grossesse n’est pas viable, autant l’interrompre aussi tôt que possible.

On observe des fausses couches chez de nombreuses autres espèces de mammifères. Les primatologues ont même découvert que chez certaines espèces de singes, les femelles font des fausses couches lorsque le groupe change de mâle dominant alors qu’elles sont déjà enceintes, car si elles accouchaient leur bébé serait automatiquement tué par celui-ci[4].

Le risque de fausse couche augmente avec l’âge de la mère… et du père

Tous les futurs parents sont angoissés pendant les premières semaines de grossesse à l’idée d’une fausse couche. Les facteurs de risque sont bien connus et révèlent que la mère n’est quasiment jamais responsable de la fausse couche.

L’âge de la mère est de loin le principal facteur de risque. Le risque double quasiment pour chaque tranche d’âge de dix années de la mère. Il augmente nettement à partir de 35 ans pour la mère (80% de risques en plus après 45 ans), mais également si le père a plus de 45 ans[5].

Pourquoi l’âge influe t-il autant ? On ne sait pas. Les tous premiers mécanismes de division cellulaire, permettant de réunir les patrimoines chromosomiques du père et de la mère, donnent lieu à davantage d’erreurs, sans qu’on comprenne pourquoi.

C’est comme si la nature cherchait à éviter que des enfants naissent avec des parents plus âgés.

Ça ne signifie pas que c’est mal de vouloir avoir des enfants au-delà de 40 ans. Mais peut être que ces mécanismes, hérités des temps préhistoriques, ne se sont pas encore adaptés au fait que nous vivons plus vieux, en meilleure santé et que les femmes ont, en moyenne, leurs enfants plus tard dans la vie.

Les autres facteurs de risque sont beaucoup moins importants que l’âge : consommation excessive d’alcool (à partir de 5 verres par semaine), que ce soit chez le père ou la mère,  de café (plus de 200 mg de caféine) ou la toxicomanie.

Cependant,le surpoids, la pratique du sport, et même le tabagisme ne semblent pas avoir d’effet sur le taux de fausses couches.

CE N’EST PAS VOTRE FAUTE 

Beaucoup de femmes confrontées à une fausse couche sont convaincues qu’un écart alimentaire ou un effort excessif en sont la cause, et que c’est donc LEUR faute. Elles ont fait quelque chose qu’elles n’auraient pas dû faire.

  • “J’ai bu un verre”.
  • “J’ai porté des cartons”.
  • “Je suis allée courir”.
  • “Nous avons fait l’amour”.

En réalité, dans l’écrasante majorité des cas, l’embryon présentait un défaut originel qui a conduit le corps à déclencher la fausse couche. C’est difficile à admettre, mais cette fausse couche était la meilleure solution du point de vue de la santé physique de la mère.

La meilleure solution pour quoi ?

  • Pour protéger la santé de la maman.
  • Pour préserver de futures naissances. 

Faire une fausse couche ne signifie pas qu’on ne pourra pas avoir d’enfant

L’idée que la fausse couche est un signe d’infertilité est une autre idée fausse qui angoisse les futurs parents. Faire une fausse couche ne signifie aucunement que le couple ne pourra pas avoir d’enfants. 

Seulement 1% des femmes environ souffrent de fausses couches dites à répétition (trois fausses couches consécutives)[6]. C’est généralement dû à des malformations de l’utérus, des troubles hormonaux ou à des défauts chromosomiques des parents.

La fausse couche est alors effectivement le signe d’une difficulté physique à concevoir et d’un risque d’infertilité.

Mais pour toutes les autres femmes (donc 99%), les chances de concevoir et de mener à terme une grossesse demeurent identiques après une fausse couche sans complications. Or, les complications médicales liées à une fausse couche sont rares.

Sur le moment, c’est pourtant la fin du monde 

Si la fausse couche est un événement banal et dans la plupart des cas sans conséquences, pourquoi est-il aussi traumatisant ?

L’évènement en lui-même est très douloureux et invasif pour la femme, et ce quel que soit le mécanisme :

  • fausse couche spontanée sans aucune intervention (“laisser faire la nature”) ; 
  • traitement médicamenteux pour déclencher la fausse couche ; 
  • opération chirurgicale[7].

Selon les pays, la part de ces trois “solutions” varie, mais elles ont les mêmes taux de réussite (mesurée par les cas de complications et de risque d’infertilité).

Dans tous les cas, les douleurs, les nausées et les saignements sont abondants, et ce d’autant plus que la fausse couche est tardive. L’épreuve physique de la fausse couche est bien sûr moindre que lors d’un accouchement, mais cela reste une expérience très frappante et mortifiante pour la femme qui doit la subir : l’éjection de son propre corps d’un déchet mort, alors qu’on espérait transmettre la vie et qu’on s’était déjà attaché à ce futur enfant.

Pour certains, c’est comme perdre un enfant

La réaction psychologique à une fausse couche varie beaucoup d’une femme à une autre, d’un couple à l’autre.

Dans de nombreux cas, c’est un vrai travail de deuil auquel il faut se confronter. La joie d’accueillir un bébé, les images d’un coeur qui bat à la première échographie, l’excitation des préparatifs et des annonces, tout ça laisse brutalement la place à un immense vide.

Même si, comme nous l’avons expliqué, la mère et le père ne sont en rien responsables de la fausse couche, il est courant que la mère ressente un sentiment de culpabilité et de honte. Elle se reproche de n’avoir pas su protéger son futur enfant (alors qu’elle ne pouvait rien faire contre un défaut chromosomique), ou imagine que celui-ci n’a pas voulu venir (comme s’il avait pu choisir) parce qu’elle ne savait pas l’accueillir.

Cette douleur est souvent accentuée par les réactions de l’entourage, qui a tendance à minimiser l’événement (“un simple accident”, “il suffit de recommencer”) ou qui ne peut pas comprendre la détresse des futurs parents lorsqu’il n’a pas été informé de la grossesse.

Si l’on se place du point de vue la nature, la fausse couche est l’équivalent de faire un pas en arrière pour mieux sauter en avant. Une solution pragmatique à un problème qui préserve l’avenir.

Mais pour une femme et un homme qui partagent le rêve de donner la vie, et se sont déjà projetés quelques mois dans le futur, cela constitue dans l’immédiat la fin apparemment injuste et cruelle d’un rêve, sans qu’on puisse rien faire, et sans qu’on puisse apporter la moindre explication.

C’est un événement auquel il est impossible, sur le moment, de donner un sens positif, voire un sens tout court.

Quand on croyait avoir saisi le mystère de la vie, et qu’il vous échappe en un clin d’oeil, comment ne pas ressentir du désespoir ? 

Dans mon cas, nous avons eu la chance, mon épouse et moi, d’avoir un second enfant moins d’une année après sa fausse couche. C’est plus facile, quelques années plus tard, de se dire alors que c’était la meilleure solution, que la nature a bien fait.

Mais sur le moment, je m’en souviens, nous étions incapables de penser cela.

Peut-être que cela nous a aidé d’en parler, et de voir que beaucoup de gens étaient passés par là.

Je me souviens qu’au bureau, ma collègue Laurence m’a pris dans ses bras, et ça m’a fait du bien.

 

Le geste simple que vous pourriez faire aujourd’hui ?

Si une personne de votre entourage fait une fausse couche, ne faites pas comme si de rien n’était, ne minimisez pas la situation. Vu de l’extérieur, il ne s’est rien passé. Mais à l’intérieur c’est presque toujours une tragédie.

Parlez-en, ou si nous n’osez pas, pourquoi ne pas lui envoyer ce message ?

Et si vous avez subi une ou des fausses couches, discutez-en avec vos enfants. Cela les aidera peut-être à dédramatiser s’ils sont confrontés à ce triste évènement.

 

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Merci de ne poser aucune question d’ordre médical, auxquelles nous ne serions pas habilités à répondre.

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pascal27
pascal27
4 années il y a

Merci Frédéric Forge pour ce texte qui aborde une situation autrefois cachée voire même accusatrice. Vos propos sont libérateurs gratitudes ! Le vécu d’une fausse couche est bien souvent responsable des cancers chez la femme et sans doute par ricochet chez l’homme. Pourtant, la nature élimine tout ce qui peut être contagieux à la reproduction d’une espèce; elle a mis en place les déprédateurs des prédateurs. Cette nature s’est adaptée à l’usure du temps depuis des millénaires et ça fonctionne merveilleusement. Ne bouleversons pas ce mécanisme encore incompris pour notre réflexe scientifique ! @ Ainsi par exemple, les pucerons détruisent… Lire la suite »

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