N’en déplaise au pacifiste qui vit en moi, la guerre est parfois nécessaire pour retrouver la paix…
… que ce soit la guerre contre les trafiquants de drogue au Mexique, ou la guerre contre les limaces que vous menez dans votre potager.
Qui veut la paix, prépare la guerre.
C’est la stratégie des Suisses, qui vivent en paix depuis le Congrès de Vienne de 1815.
La guerre est parfois inévitable. L’éviter ne conduirait qu’à aggraver le conflit à venir. Je pense à Daladier et Chamberlain qui auraient sans doute pu arrêter Hitler à temps, lors de l’annexion des Sudètes.
Lorsqu’il faut partir en guerre… mieux vaut une guerre rapide et efficace qu’une guerre sans fin, comme en Afghanistan.
L’inflammation est-elle bonne ou mauvaise ?
L’inflammation est un état de guerre. Exactement comme la guerre, l’inflammation est parfois bénéfique, parfois sans issue.
Dans le cas d’une gastro-entérite (inflammation de l’estomac et des intestins), c’est une bonne inflammation (la plupart du temps).
La gastro-entérite permet de gagner la bataille contre l’infection en quelques jours. C’est donc une bonne guerre, une guerre courte.
En revanche, la polyarthrite rhumatoïde (inflammation des articulations) est une mauvaise inflammation. C’est une guerre dans laquelle on s’embourbe pendant des années. C’est une ruine pour votre existence, et l’armistice est très improbable.
L’inflammation expliquée en ces termes devient plus simple à comprendre, n’est-ce pas ?
Tout comme la guerre, l’inflammation est une menace permanente.
Nous sommes constamment menacés par l’inflammation
Dans la santé, l’inflammation est partout. Elle est désignée par le suffixe “-ite”, comme dans :
- la parodontite — inflammation des gencives ;
- la gastro-entérite — inflammation de l’estomac et des intestins ;
- l’appendicite — inflammation de l’appendice ;
- l’otite — inflammation de l’oreille ;
- la conjonctivite — inflammation des muqueuses de l’oeil ;
- la néphrite — inflammation des reins ;
- la névrite — inflammation des nerfs ;
- la bronchite — inflammation des bronches ;
- la poliomyélite — inflammation de la substance grise de la moelle épinière ;
- la colite — inflammation du côlon ;
- la péritonite — inflammation du péritoine, la membrane qui maintient les viscères et toute la cavité abdominale ;
- la méningite — inflammation de l’enveloppe du cerveau et de la moelle épinière ;
- la tendinite — inflammation des tendons ;
- la phlébite — inflammation de la membrane interne des veines.
Sans oublier, la sinusite, la trachéite, la rhinopharyngite, la rhinite, la pancréatite, la polyarthrite, la kératite, l’amygdalite, et la cystite.
Sans oublier la flemmingite aiguë ! 😉
État de guerre ou état d’urgence
Dans chaque région du corps, il y a des troupes qui montent la garde.
Quatre événements peuvent déclencher une guerre inflammatoire :
- une invasion de pathogènes : bactéries, virus, champignons, parasites[1];
- un accident : blessure physique ou chimique (coup de soleil, traumatisme) ;
- une catastrophe environnementale : la mort d’un tissu (nécrose) qui provoque une inondation parce que le contenu des cellules se déverse dans les tissus adjacents ;
- une hypersensibilité, comme dans le cas d’une allergie.
Dans chaque tissu, il y a des cellules immunitaires qui montent la garde. Elles sont prêtes à sonner l’alarme.
On les appelle cellules résidentes tissulaires. Je vais vous les nommer car vous les connaissez sûrement de nom, et que vous pourrez ainsi pouvoir les situer : macrophages, histiocytes, mastocytes, cellules de Kupffer et cytokines histamines[2]. Elles sont capables de distinguer :
- l’état de guerre : une agression qui provient d’un pathogène (virus, bactéries) ;
- l’état d’urgence : des cellules qui ont été endommagées (accident, nécrose).
Lorsque l’état d’urgence/de guerre est déclaré, l’inflammation s’installe. On entre dans l’état de reconnaissance, avant d’entrer dans la vraie bataille.
Il existe 5 signes qui vous permettent de reconnaître une inflammation :
- chaleur et rougeur liées à la vasodilatation et à l’augmentation du flux sanguin ;
- gonflement des tissus non vascularisés sous l’effet d’une perméabilité accrue aux fluides ;
- douleur sous l’effet de médiateurs comme l’histamine ou la bradykinine ;
- perte de fonction de la zone concernée — la gonflement et la douleur peuvent empêcher le mouvement physique (exemple : l’arthrite vous empêche de fermer le poing).
Ces changements sont analogues à la délimitation d’une zone de guerre. Dans une zone de guerre, les règles changent : l’économie est mise à l’arrêt ; toutes les ressources sont consacrées à l’effort de guerre ; les routes sont barrées, on ouvre un pont aérien pour le ravitaillement, la priorité est donnée au passage des troupes.
Un plan de bataille incroyablement complexe
Les troupes mobilisables par notre système immunitaire sont aussi variées que nos corps d’armée : infanterie, cavalerie, artillerie, marine.
Et le plan de bataille d’une réaction inflammatoire est si complexe que nous ne le comprenons pas encore. Nos scientifiques sont seulement capables de décrire la fonction des différents soldats du système inflammatoire[3]. Mais nous aurons besoin de nombreuses années avant de comprendre les tactiques des généraux qui livrent bataille.
Il existe deux catégories de soldats du système immunitaire :
- les cellules résidentes tissulaires, dont nous avons parlé plus haut
- les cellules sanguines circulantes, qui sont en garnison dans le sang et peuvent être déployées partout. Notamment :
- les monocytes ;
- les lymphocytes ;
- les plasmocytes ;
- les polynucléaires neutrophiles ;
- les polynucléaires éosinophiles ;
- les basophiles ;
- et les plaquettes[4].
Dans l’ensemble, l’inflammation offre plusieurs avantages pour livrer bataille :
- la perméabilité permet aux globules blancs du sang et les anticorps de se diriger vers le site de l’inflammation pour se battre (ce sont les renforts) ;
- la zone inflammée reçoit plus de provisions (oxygène, nutriments), indispensables pour gagner la guerre ;
- l’augmentation du passage des fluides permet de diluer les mauvaises toxines.
Ceci facilite la bataille, mais complique la vie normale. Dans l’inflammation, c’est pareil : le tissu est bloqué et ne peut plus remplir sa fonction (bouger, soutenir, assister). Parfois même, la bataille est si violente que les tissus voisins en souffrent (c’est l’équivalent des victimes civiles).
Un autre inconvénient de l’inflammation c’est le risque de tempête de cytokines. Les cytokines sont des cellules immunitaires utiles. Mais lorsqu’elles se mobilisent en masse, elles vous font gagner la bataille, mais perdre la guerre.
Il faut se représenter une mobilisation de toute la population qui finit par ruiner le pays. On pourrait comparer la tempête de cytokines à la Victoire à la Pyrrhus : la victoire est si coûteuse qu’elle tue le patient[5].
Mais l’inconvénient le plus grave de l’inflammation (de loin), c’est lorsque la guerre est déclarée pour un mauvais prétexte : allergies, polyarthrite et autres maladies auto-immunes. La maladie auto-immune, c’est comme une guerre civile : personne ne gagne.
Bonjour, votre article sur l’inflammation m’éclaire énormément car il me fait comprendre toute la complexité du sujet. J’apprécie beaucoup la clarté de votre propos et je vous en remercie. Une chose toutefois que je ne trouve pas ce sont les nombreuses sources auxquelles vous référez qui ne nous mènent à aucun lien concret. Pourriez-vous s.v.p. rectifier cette situation en fournissant le lien approprié. Merci!