En 2000 une brève étude publiée par des chercheurs israéliens dans le très sérieux British Medical Journal (BMJ) portait le titre provocateur : « La grève des médecins en Israël serait bonne pour la santé »1
L’étude conclut, hâtivement selon moi, que l’absence des médecins dans les hôpitaux aurait fait baisser le taux de mortalité des patients de 15%.
Cette étude se base sur une grève nationale des médecins en Israël en mars 2000 et qui a duré 3 mois.
Des centaines de milliers de consultations et des dizaines de milliers d’opérations ont alors été annulées ou reportées. Toutefois, Les hôpitaux publics ont maintenu leurs services d’urgence et d’autres services vitaux.
Par ailleurs, les patients avaient toujours la possibilité de se tourner vers leur médecin de famille et les services d’urgence qui, eux, étaient encore en activité.
Pour arriver à leurs conclusions, les chercheurs se sont basés sur le nombre de funérailles fourni par les services de pompes funèbres. Et ce nombre aurait diminué.
Cela a mené certains à établir un lien direct entre la grève des médecins et cette baisse des décès.
Grève de médecins : une goutte dans l’océan
Tirer des conséquences de ce seul cas israélite de 2000 n’est pas facile.
Et pourtant, cela n’a pas empêché des confrères2 de tirer des conclusions alarmistes : vous avez plus de chance de survie si votre médecin est en vacances.
Autrement dit, la médecine « conventionnelle » produirait plus d’effets néfastes que de bienfaits.
Nous ne rentrerons pas ici dans ce débat polémique. Mais force est de constater que déduire un tel constat à partir des données présentées dans les études portant sur les grèves de médecins, est quelque peu tiré par les cheveux.
En fait, les grèves de médecins ne sont pas une crainte réaliste pour les structures hospitalières car elles sont rarissimes.
Une importante étude publiée en 2008 dans le magazine de médecine Soc Sci Med3 a passé au crible fin toutes les grèves de médecins entre 1976 et 2003.
Et la première chose frappante quand on lit cette étude est qu’ils n’ont recensé que 6 grèves en 30 ans à travers le monde.
Parmi ces 6 grèves, deux d’entre elles auraient mené à une baisse de la mortalité : à Los Angeles en 1976 et en Israël en 2000.
On ne peut donc pas affirmer sans sourciller que les grèves des médecins sauvent des vies…
Il y a une bonne raison à cela : les hôpitaux savent très bien fonctionner sans les médecins.
Un hôpital, ce n’est pas que les médecins
Une étude publiée en 2015 dans le journal JAMA4 souligne une réalité souvent oubliée.
Chaque année, des milliers de médecins participent à des congrès scientifiques nationaux.
En 2006, par exemple, près de 19 000 cardiologues et autres professionnels de la santé ont participé à la réunion annuelle de l’American Heart Association (AHA) ils étaient 16 000 et 13 000 en 2009 et 2013, respectivement.
Un nombre similaire de cardiologues et d’autres professionnels participent aux réunions annuelles de l’American College of Cardiology (ACC).
Durant ces congrès, les hôpitaux continuent de fonctionner. Le personnel soignant – les infirmiers, les ambulanciers, les urgentistes, etc. – est présent et remplit ses tâches habituelles.
Cela expliquerait pourquoi, par exemple, le nombre de morts resterait stable.
Toutefois, une baisse de mortalité a aussi été observée durant ces congrès. Et ceci mérite une explication.
Le rôle des médecins est moins central qu’on ne le croit
Quand vous allez à l’hôpital, c’est rarement parce que vous êtes sur le point de mourir.
Aussi, les personnes qui vous prennent en charge sont d’abord et surtout les infirmières et infirmiers ou les urgentistes. Ces personnes savent administrer les premiers secours et peuvent donc sauver des vies au besoin.
Les médecins ne sont donc pas là pour vous empêcher de mourir.
Ce sont des experts hautement spécialisés dans une tâche. Si l’on prend l’exemple des opérations cardiovasculaires, qui ressort souvent dans les études à ce sujet, cela est logique qu’il y ait une baisse de mortalité quand les médecins sont absents.
En effet, aussi longtemps que les médecins ne sont pas disponibles, les opérations qui sont une question de vie ou de mort sont repoussées. Jusqu’à ce que, donc, le médecin revienne.
Alors certes, tant que vous ne faites pas cette opération risquée, vous allez rester en vie. Mais cette opération risquée qui peut certes vous être fatale est aussi celle qui vous sauvera la vie. Vous ne pouvez pas repousser indéfiniment sa réalisation, car vous finirez par en mourir.
C’est pour cela également que les congrès annuels des médecins ne durent que quelques jours. Et pour cela également que ce sont les médecins eux-mêmes qui ont mis fin à leur grève, durant les rares fois où cela s’est produit dans l’Histoire. Parce qu’ils savaient bien que sur le long terme, leurs patients pourraient mourir de leur grève….
En conclusion, pas de conclusions
En conclusion, l’idée selon laquelle les grèves de médecins sauvent la population se base sur le postulat erroné du rôle des médecins dans les hôpitaux.
Les données sur les grèves sont trop peu nombreuses et surtout trop différentes les unes des autres pour que l’on puisse en tirer une seule conclusion
Enfin, les médecins ne sont pas la réponse à tous les problèmes. Ils peuvent aussi faire des erreurs. Ils sont, comme nous tous, humains.
N’attendez donc pas leur prochain congrès pour vous rendre à votre cabinet médical.
Il ne faut pas sous-estimer la propension de certains médecins chirurgiens ou autres à opérer et faire des expérimentations plus que nécessaires promettant plus qu’ils ne peuvent assurer aux personnes âgées ou présentant plusieurs morbidités; Il y a aussi les maladies nosocomiales qui augmentent sans doute avec l’augmentatuon Des actes Chirurgicaux.