Léa attend un foie - Nouvelle Page Santé

Léa attend un foie

 

Léa attend un foie.

Le foie d’un donneur.

C’est sa seule chance de survie.

Léa a neuf mois. C’est la fille de mon meilleur ami.

Une maladie qui touche 1 enfant sur 10 000[1]

À sa naissance, Léa se portait parfaitement bien. Elle avait la peau un peu jaune, comme de très nombreux nourrissons, mais elle a pu rentrer à la maison avec sa maman après quelques jours. Nous avons pu faire sa connaissance, mon épouse, mes enfants et moi. Tout allait bien.

Mais très vite, après deux ou trois semaines, ses parents se sont rendus compte que quelque chose n’allait pas. Léa ne prenait presque pas de poids, et sa jaunisse ne faiblissait pas, au contraire.

Le pédiatre n’était pas sûr de lui, il a envoyé Léa faire des examens à l’hôpital.

Il a fallu plusieurs jours de radio et d’analyses sanguines pour obtenir un diagnostic : Léa souffrait probablement d’atrésie des voies biliaires[2].

Il s’agit d’une malformation des voies biliaires qui a pour conséquence une mauvaise circulation de la bile depuis le foie, où elle est fabriquée, vers les intestins.

La bile a deux fonctions. Elle permet d’évacuer certains déchets concentrés dans le foie qui les filtre, et elle contribue à la digestion et l’absorption des lipides dans l’intestin. De nombreuses vitamines étant solubles dans la graisse (A, E et K), la bile est nécessaire pour permettre à notre organisme de les absorber.

Si la bile circule mal, c’est donc lourd de conséquences pour tout notre organisme.

On ne connaît pas la cause de cette malformation. Les filles sont légèrement plus touchées que les garçons, et cette maladie est plus fréquente en Asie et dans les pays du Pacifique.

En France, 45 enfants présentent cette malformation chaque année.

Une maladie qui tue lentement mais sûrement

Les conséquences sont dramatiques.

  1. La digestion et l’absorption de la nourriture se font mal. C’est la raison pour laquelle Léa ne prend presque pas de poids, et grandit très peu. Elle a d’abord été alimentée par sonde nasogastrique pendant plusieurs mois, mais maintenant cela ne suffit même plus. Elle est nourrie directement par voie centrale (dans le sang).
  2. La bile, et les déchets qu’elle contient, ne pouvant s’écouler vers les intestins, s’accumulent dans le foie. Leur présence est toxique pour les cellules du foie. Cela provoque une cirrhose du foie, c’est-à-dire sa cicatrisation excessive et irréversible. Le foie de Léa est en train de s’empoisonner lui-même. Or, en cas de défaillance grave du foie, il n’existe actuellement pas d’autre solution que la transplantation.

Les médecins ont tenté une première opération : l’intervention de Kasaï.

Léa a été transportée avec sa maman en hélicoptère dans le seul centre hospitalier pratiquant cette opération. Mon ami habite en Suisse, Léa a donc volé jusqu’à l’hôpital universitaire de Genève. En France elle serait allée probablement au Kremlin-Bicêtre.

Du nom du chirurgien japonais qui l’a inventée, cette opération consiste d’abord à valider le diagnostic, en explorant les voies biliaires, puis, dans le cas où le diagnostic est positif, à retirer les voies biliaires dans la foulée pour raccorder directement le foie à une boucle d’intestin.

Léa a passé plusieurs heures au bloc opératoire, sous anesthésie générale, mais l’opération a été un échec. La circulation de bile n’a pas été suffisamment rétablie, et les dommages causés au foie étaient déjà irréversibles.

Trois vies totalement bouleversées

Mon meilleur ami et sa femme ont commencé à vivre une période inimaginable pour qui n’a jamais eu un enfant gravement malade. Tout disparaît derrière les pronostics des docteurs, plus rien d’autre n’existe que le planning des rendez-vous, des soins, des interventions.

La seule et unique préoccupation de leur existence est une lutte pour la survie de leur enfant. Après plusieurs semaines de congé, mon ami est parvenu à reprendre une activité professionnelle partielle, mais uniquement en travaillant à distance, souvent depuis l’hôpital, tandis que la mère de Léa a arrêté son travail en fin de congé maternité.

Les projets, les rêves, les vacances, les sorties, les amis, le sport, la famille… Tout cela a quasiment disparu pour eux depuis quelques mois. Protéger la santé de Léa, éviter les infections, surveiller sa température, lutter pour le moindre gramme, aller aux rendez-vous, être à tout moment prêt à partir aux urgences, vivre pendant des semaines à l’hôpital, c’est leur seul quotidien.

On se sent si petit, et si impuissant, quand des proches se retrouvent dans cette situation. Si chanceux aussi de ne pas avoir de problèmes de santé soi-même et d’avoir des enfants en pleine forme.

Étape suivante : la greffe

La greffe hépatique est l’une des transplantations possibles depuis un donneur vivant. Nous n’avons qu’un foie, mais celui-ci a une grande capacité d’auto-régénération. On procède à l’ablation d’environ 20 % du foie du donneur, et cette partie se régénère naturellement en quelques semaines. Au bout de quelques mois, le fonctionnement du foie amputé est normal.

Chez le receveur aussi, le morceau greffé va se développer jusqu’à avoir la taille d’un foie normal, mais cela prend plus de temps.

Cette technique a été développé dans les années 1990, d’abord d’adulte à enfant, puis d’adulte à adulte. Mais c’est cependant une opération très lourde, y compris pour le donneur. C’est pourquoi la greffe depuis un donneur sain n’est pratiquée qu’en cas d’urgence absolue, ou en l’absence de donneur non-vivant.

En Suisse, la pratique est de prélever la partie gauche du foie (la plus petite) de tout donneur décédé pour un enfant, la partie droite (plus volumineuse) permettant de greffer un adulte. La durée d’attente est donc relativement courte, moins de trois mois en principe. Mais chaque jour semble si long quand votre enfant est en danger de mort.

Seule solution : attendre

Léa est inscrite depuis quelques semaines. L’annonce d’une transplantation peut avoir lieu à tout moment. En attendant, elle est à demeure au département de néonatologie, pour être en meilleure forme possible au moment de déclencher l’opération. La moindre infection, la moindre fièvre, pourrait compliquer la greffe.

Et mes amis ont été prévenus que l’opération n’est que le début d’un long processus. Il y a presque toujours des complications, beaucoup de médicaments à prendre, et des traitements anti-rejet à vie.

La récupération après une aussi grosse opération est longue, l’état de Léa ne va pas s’améliorer brutalement.

C’est le début d’un long chemin, mais au moins c’est un chemin d’espoir.

P.S. : Le geste simple que vous pourriez faire aujourd’hui ?

Avez-vous informé vos proches de vos volontés en matière de dons d’organes ?

En France, la loi suppose “le consentement présumé”[3]. Si vous n’êtes pas inscrit sur le registre national des refus, ou si vous n’avez pas exprimé de votre vivant votre refus de donner, vous serez considéré comme donneur. Mais la situation sera moins douloureuse, et tout risque de conflit sera évité, si vous confirmez à vos proches de votre vivant votre adhésion au principe du dons d’organes.

 

 

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Merci de ne poser aucune question d’ordre médical, auxquelles nous ne serions pas habilités à répondre.

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sylviane seux
sylviane seux
4 années il y a

Bonjour, je sais ce que c’est pour avoir vécu la même chose avec ma mère qui est décédée d’une hépatite médicamenteuse, donc si besoin, je lui donne volontiers mon foie.

Frédéric Forge
Frédéric Forge
4 années il y a
Répondre à  sylviane seux

Bonjour Sylviane

Comme c’est touchant, merci. Rassurez-vous, Léa a reçu il y a quelques jours sa greffe, et pour le moment tout va bien. Je vous reparlerai certainement d’elle.

Très cordialement

Libron
Libron
4 années il y a

Merci pour votre article ! J’etais totalement contre le don d’organes et vous avez réussi à me faire changer d’avis ! Je suis prête au cas où maintenant… Je souhaite un bon rétablissement et une longue vie à Léa.

Françoise
Françoise
4 années il y a

Bonjour, Je me sens toujours mal à l’aise dans ce genre de situation. Certes, je ne suis pas concernée et je réagirais peut-être différemment dans le cas contraire mais je ne pense pas. La Vie est gérée par la sélection naturelle, ce qui n’existe plus chez les humains dans nos pays occidentaux. Que sera la vie de cette pauvre petite Léa, condamnée à vie à vivre sous anti-rejet? Peut-être empêchera-t’elle la naissance d’un petit frère (ou soeur) sans anomalie parce que ses parents seront trop accaparés par elle? Que penser de l’argent dépensé pour ces soins alors que des milliers… Lire la suite »

Maflor
Maflor
4 années il y a
Répondre à  Françoise

Je suis très touchée par l’histoire de cette jeune femme pompier qui n’a pas pu décider elle-même du devenir de son foetus de moins de 6 mois. Vous soulevez là le problème que les médecins s’arrogent le droit de disposer d’une existence – en l’occurrence de 2 – 3 existences – alors que ce n’est pas eux qui vont les assumer au quotidien. Les moyens techniques actuels leur donnent l’illusion d’un pouvoir absolu alors que ce n’est qu’une illusion dans la mesure où beaucoup de facteurs leur échappent.

Jocelyne M
Jocelyne M
4 années il y a

Bonjour Frédéric,
Je viens de lire votre réponse au dernier commentaire, je suis ravie d’apprendre que Léa a eu sa greffe.
Mais avant cela j’avais une question, car dans votre article vous ne parlez pas de la compatibilité des parents.
Dans cette situation j’aurais tout fait pour donner un morceau de mon foie à mon enfant.
Quoi qu’il en soit je souhaite un bon rétablissement à Léa, et beaucoup de courage pour ce difficile chemin qui les attend tous les 3.

Françoise
Françoise
4 années il y a

Je ne ferai jamais de don d’organes mais refuserais également d’être receveur! Par contre je laisse à chacun le soin de décider ce qu’il veut faire et je ne pose aucun jugement. Je me réfère uniquement à la notion de responsabilité et pour ma part je n’adhère pas à l’approche matérialiste de ce genre de médecine. Ayant conscience qu’aucun évènement n’est dû au hasard et que tout a un sens c’est à nous de le décoder – voir la bioanalogie de Jean-Philippe Brébion – Dans le cas de don d’organes cela peut faire sens lorsque une personne fait don d’un… Lire la suite »

schmitt
schmitt
4 années il y a
Répondre à  Françoise

je me demande si c’est une notion matérialiste que de pouvoir sauver la vie d’une personne je respecte votre façon de voir les choses mais aux dernières nouvelles les greffes ne sont pas rétribuées!

schmitt
schmitt
4 années il y a

je suis depuis longtemps donneur d’organes ayant ma carte de donneur et j’incite le plus grand nombre à suivre cette démarche je pense que c’est faire preuve d’empathie et de solidarité cette histoire m’a ému et je souhaite bon courage à cette petite fille et à sa famille.

Rousseaux Denis
Rousseaux Denis
4 années il y a

Beau plaidoyer pour le don d’organes. Tous mes proches connaissent déjà mes volontés et je connais les leurs.

OLiete Marie-Hélène
OLiete Marie-Hélène
4 années il y a

C’est bouleversant…………

joelle
joelle
4 années il y a

Je ne suis pas d’accord avec votre façon de présenter cette pathologie du foie gras, disant qu’elle survient chez 30% des personnes.Comme si c’était inéluctable. Non, elle survient chez ceux qui négligent leur hygiène de vie, mangent trop et mal. Nous sommes donc responsables. Faire l’amalgame avec le cas ,très rare de Léa, entretient la confusion et n’est pas honnête. Si c’est dans le but de vendre votre journal, cela me donne la nausée. Et ce n’est pas dû à mon foie !

GERGES Pierre
GERGES Pierre
4 années il y a

Se pourrait-il que vous preniez vos lecteurs par les sentiments pour leur suggérer le don d’organes? Le cas de Léa est bien regrettable et je ne me permettrai pas le moindre jugement sur les parents qui tentent tout ce qui est possible. Mais le fait est que nous n’avons qu’un jeu d’organes et qu’un seul organe malade peut décider de la vie ou de la mort. Si vous voulez défendre la transplantation, c’est bien votre droit mais dites le clairement et informez vos lecteurs de tout ce que cela implique!

Viviane GARZARO
Viviane GARZARO
4 années il y a

De tout cœur avec vs et cette petite famille . Je prierai pour la jeune Léa

Aleth
Aleth
4 années il y a

En lisant les commentaires, j’apprends avec joie que Léa a subi cette fameuse greffe ! Youpi ! Bon courage à elle et ses parents…..c’est un long chemin , parfois rempli d’embûches. Mais Lea vit.
J’ai toujours sur moi ma carte de donneur depuis que je suis majeure !

AffiliateLabz
4 années il y a

Great content! Super high-quality! Keep it up! 🙂

Marie T
Marie T
4 années il y a

Bonjour….Pensées d’Amour et Guérison vers cette Petite et Soutien ++ à Sa Famille…Ma Fille ainée a été frappée par cette maladie. Elle a été opérée (Kasaï) à l’age de 58 jours. Par la suite Elle a fait une seule septicémie, et oui une seule, car les complications du Kasaï c’est le risque de septicémies à répétition pendant 2 ans…Le Ciel nous as soutenus et ma gratitude est grande pour les Médecins ( opérer pendant des heures de si petits corps) et tout notre entourage de près ou de loin….Elle a aujourd’hui 35 ans et est Maman de 2 Enfants…. Force… Lire la suite »

Pascale
Pascale
4 années il y a

Bonjour, J’ai travaillé pendant 5 ans dans un service de gastro- entérologie pédiatrique qui comprenait un secteur de malades chroniques , dont la spécificité d’accueillir les enfants atteints d’atrésie des voies biliaires. Nous accueillions les « suspicions » , confirmions les diagnostiques, préparions (à l’intervention de Kasaï parfois ), à la greffe et récupérions les enfants après la greffe et le temps de réanimation. Il y avait parfois des donneurs en urgence, mais le plus souvent l’un des 2 parents étaient donneur avec tout ce que ça implique comme démarche (éthique), physique et psychologique … Ce processus est long, astreignant, ponctué de… Lire la suite »

Gilda Lo Iacono-Robilliard
4 années il y a
Répondre à  Pascale

Ma fille de 21 ans a été « greffée » d’un Foie suite de la découverte du :Syndrome de : » Budde-Chiari » dont elle souffrait……(Maladie génétique découverte par ces deux chercheurs américain et Italien ) Elle avait donc : une veine de bouchée et : deux à…l’envers! Son Foie étant mal irrigué se cirrhosait… Son processus vital était engagé…L’opération fut entreprise par le Professeur Henri Bismuth et le Professeur Samuel à Villejuif (Brousse)elle a dué :14 Heures …et ce fut une…RENAISSANCE!!!!!!!!!!!!!!!!! Une RECONNAISSANCE INFINIE!!!!! A CES DEUX IMMENSES PERSONNALITES … MAIS EGALEMENT AU « SERVICE » AYANT PRIS EN CHARGE « Sandrine »! qui était « condamnée »… et… Lire la suite »

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