Un colis pour le moins original vient d’être expédié par la poste.
Il va transiter d’un laboratoire de São Paulo vers plusieurs hôpitaux de villes comme Natal, Rio de Janeiro, Petrópolis, Belo Horizonte et Porto Alegre, au Brésil.
Son contenu risquerait de provoquer un haut-le-cœur chez beaucoup d’entre nous, mais il est d’une importance capitale.
Il pourrait tout simplement sauver des millions de vies à l’avenir.
Une menace planétaire
L’antibiorésistance inquiète de plus en plus la communauté scientifique.
Le phénomène n’est pas nouveau : depuis la découverte de la pénicilline (1928), chaque nouvelle génération d’antibiotiques a vu apparaître des mécanismes de résistance.
Mais le problème s’est considérablement amplifié ces dernières années.
Les premières résistances à la pénicilline apparaissent dès 1940, les premières bactéries multirésistantes dans les années 1970, et les bactéries hautement résistantes dans les années 2000.
En cause : l’usage abusif et trop souvent incorrect des antibiotiques.
Aujourd’hui, de nouvelles résistances bactériennes se multiplient, en ville comme à l’hôpital, et poussent les médecins à utiliser des antibiotiques toujours plus puissants.
Ce n’est pas pour autant la solution idéale.
Certaines infections n’y sont pas forcément sensibles, et cela contribue un peu plus au développement des résistances.
Au final, cela peut mener à des situations où il n’existe plus aucun traitement possible.
On parle alors « d’impasse thérapeutique ».
La résistance aux antibiotiques devient progressivement un problème majeur de santé publique dans le monde entier.
Selon des projections récentes, les infections résistantes aux traitements antibiotiques pourraient tuer 2,4 millions de personnes en Europe, en Amérique du Nord et en Australie entre 2015 et 2050.
En France, d’ici 2050, on estime que 238 000 personnes mourront des suites de l’antibiorésistance.
Le mystérieux colis révèle ses secrets
Il faut parfois surmonter certaines répulsions quand il s’agit de santé.
Si je vous disais que ce colis, attendu avec impatience dans les hôpitaux brésiliens, contient une colonie de larves de mouches.
Ce n’est déjà pas très appétissant.
Mais si je vous dis qu’en plus, ces larves sont destinées à soigner des plaies infectées…
Je suppose que certains d’entre vous grimacent à cette idée.
Allez, je rajoute un dernier détail croustillant avant de rentrer dans le vif du sujet, si je puis dire : ces larves se nourrissent de tissus humains en décomposition.
Dis comme ça, on se demande si tout cela est bien sérieux.
Comment une colonie de vers peut-elle aider à guérir une plaie ?
On aurait plutôt tendance à croire l’inverse.
Eh bien, c’est une idée fausse !
Les larves de la mouche verte (Lucilia sericata), une espèce très commune dont la culture est relativement simple, présentent trois intérêts majeurs :
- Contrairement aux asticots d’autres espèces, les Lucilia sericata ont la particularité de ne manger que la chair morte, sans toucher à la chair vivante. Et ils nettoient la plaie avec une très grande précision.
- Ils sécrètent des sucs qui les aident à digérer les chairs nécrosées, ce qui a pour effet de tuer un grand nombre de bactéries, comme les staphylocoques. Ainsi, les plaies ne se réinfectent pas.
- Enfin, ils facilitent la cicatrisation des plaies.
Au Brésil, les chercheurs souhaitent faire valider ce type de thérapie par l’Agence nationale de surveillance sanitaire (Anvisa).
Et il semblerait que leur volonté fasse des émules.
Le Dr Yanni Nigham, professeur en sciences biomédicales à l’université de Swansea (Royaume-Uni), est clair : « C’est un traitement sous-utilisé ».
« Nous ne l’avons utilisé que pour des plaies très difficiles, impossibles à traiter autrement. Et c’est quelque chose que nous essayons de changer. Pourquoi la thérapie larvaire n’est-elle utilisée qu’en dernier recours ? Pourquoi demandons-nous à certains patients de souffrir pendant des années, alors qu’il suffirait d’utiliser les asticots pendant quatre jours ? »[1]
Malgré tout, le NHS, le service de santé britannique, utilise chaque année plus de 5 000 poches, de façon très encadrée, depuis les années 2000.
Aux États-Unis, la FDA a quant à elle approuvé la thérapie par les larves (luciliathérapie) comme dispositif médical depuis 2004.
La France, quant à elle, reste à la traîne…
Une thérapie qui ne date pourtant pas d’hier
La thérapie larvaire provient en fait de savoir anciens.
Des documents historiques attestent que des peuples comme les Mayas ou encore les Aborigènes australiens utilisaient déjà des larves pour soigner des blessures, il y a des milliers d’années de cela !
En 1557, Ambroise Paré observe que, chez des blessés présentant des plaies vieilles de plusieurs jours, la présence de larves d’insectes semble empêcher la suppuration.
Plus tard, durant la campagne d’Égypte Napoléonienne, Jean-Dominique Larrey, chirurgien militaire français, fit la même observation sur les effets favorables des larves vivantes d’insectes sur la suppuration des plaies.
Pendant la Grande Guerre, même constat : les soldats évacués après avoir passé plusieurs jours entre les lignes de front présentaient des plaies infestées de larves d’insectes… mais sans infection !
C’est d’ailleurs suite aux observations durant la Première Guerre mondiale qu’une étude clinique autour de la thérapie larvaire a été réalisée par le médecin américain William Baer.
Dans les années 1930, la découverte de la pénicilline mettra un coup de frein brutal aux débuts prometteurs de la luciliathérapie.
Les antibiotiques révolutionnent alors le traitement des infections.
Mais ça, c’était avant que la résistance bactérienne ne vienne tout chambouler…
Un espoir pour de nombreux patients
Il y a encore peu de temps, j’ai eu vent d’une personne qui avait été amputée d’une jambe à cause du diabète.
Cela peut sembler fou, et pourtant ce n’est pas aussi rare qu’on le croit.
Pour les patients diabétiques, dont les plaies ne guérissent pas malgré les traitements, la luciliathérapie est parfois le dernier recours.
Le traitement est effectué avec des larves désinfectées en laboratoire et recueillies dans de petits sachets biologiques perméables, ressemblant à des sachets de thé (biobags).
Ce conditionnement évite de laisser les larves en liberté sur les blessures, ce qui provoque chez beaucoup de patients un dégoût insurmontable.
Sous contrôle médical, ces sachets sont placés sur la plaie infectée pendant quelques jours.
La porosité des sachets permet aux larves d’entrer en contact direct avec la plaie et de se nourrir des tissus malades.
Ce n’est pas douloureux, car les larves n’ont pas de dents : elles sécrètent un liquide qui passe dans la poche, digère et nettoie la plaie.
Ensuite, elles avalent à nouveau le liquide, toujours à l’intérieur de la poche.
Cette technique diviserait par trois le nombre d’amputations et réduirait considérablement l’utilisation d’antibiotiques ![2]
Incroyable, non ?
Et vous, seriez-vous prêt à être traité par cette technique en cas de nécessité ?
Bjr très intéressant ce procédé devrais être utilisé plus souvent
Bien sûr, tout est dans la nature. Il suffit de l’écouter de la regarder et de la comprendre.
En chirurgie vasculaire à l’hôpital Foch, cette technique était testée dans les années 1990…
Était ce secret car non validé par l’ARS ?
Je ne suis pas sûr de pouvoir le témoigner.
Bien sûr, sans problème.
Bonjour et merci.? Bien sûr, une plaie qui dure peut gangrèner, alors qu’importent ces vers qu’on ne voit pas pendant quelques jours
Naturellement, puisque c’est très rapidement efficace !!! … mais bien sûr cela desservirait les intérêts financiers de BIG PHARMA !!!