Les relations malsaines entre les laboratoires pharmaceutiques et les médecins - Nouvelle Page Santé

Les relations malsaines entre les laboratoires pharmaceutiques et les médecins

Je suis un grand nostalgique des médecins de campagne.

Vous savez, celui de notre enfance, l’ami, le confident de la famille.

On savait qu’on pouvait lui faire confiance, qu’on pouvait compter sur lui, parfois même jusqu’à des heures très tardives.

Ces médecins avaient la vocation de leur métier chevillée au corps.

Je sais, j’idéalise peut-être un peu, le « c’était mieux avant » n’est pas toujours de bon ton de nos jours.

Il n’empêche qu’au-delà de la notion de dévouement et de vocation, de nombreuses questions d’éthique se posent aujourd’hui et il me semble que cela ne fait qu’empirer.

Échange de bons procédés

Un petit cadeau de temps à autre, ça ne mange pas de pain.

Une invitation au restaurant ou à un congrès, des fournitures de bureau, un abonnement à une revue…

Les relations entre les laboratoires pharmaceutiques et les médecins ont longtemps été marquées par des interactions susceptibles de compromettre l’indépendance médicale.

Petites faveurs, avantages divers et stratégies d’influence sont autant de pratiques qui soulèvent des questions éthiques et sanitaires.

Les laboratoires pharmaceutiques cherchent tout naturellement à promouvoir leurs produits auprès des professionnels de santé.

Jusque-là, il n’y a pas grand-chose à redire : c’est le jeu.

Là où cela devient plus problématique, c’est lorsqu’on s’éloigne de la simple distribution de catalogues vantant les mérites de tel ou tel produit.

Quand on commence à parler de cadeaux plus ou moins onéreux, de financement de recherches, d’échanges de bons procédés, on s’aventure dans des pratiques qui peuvent (et qui visent souvent sciemment) à influencer les prescriptions des médecins.

Malheureusement, cela est devenu une pratique courante et malgré les différentes alertes diffusées par les médias, beaucoup de médecins se murent dans le déni…

Pourtant, les laboratoires pharmaceutiques ont versé plus de 3,5 milliards d’euros aux professionnels de santé en France entre 2012 et 2018.

À lui seul, le montant des cadeaux reçus par les médecins généralistes français s’élève à 16 millions d’euros en 2016 ![1]

C’est beaucoup d’argent, vous ne trouvez pas ?

90 % des médecins généralistes ont reçu au moins un cadeau !

En France, la prescription et la consommation excessive de médicaments, dont l’efficacité n’a pas été démontrée, se révèlent être bien plus fréquentes qu’on ne le croit.

Et je ne parle même pas des actes médicaux abusifs (examens divers et variés injustifiés, actes chirurgicaux que l’on aurait pu éviter, etc.)

Les cadeaux, même modestes, offerts par les laboratoires aux médecins, peuvent rapidement mener à des dérives qui ne sont pas des plus profitables pour les patients.

Une étude française publiée en 2019 dans le British Medical Journal[2] a mis en évidence que les médecins généralistes ayant reçu des avantages de l’industrie pharmaceutique avaient tendance à prescrire des médicaments plus coûteux et moins souvent des génériques.

Cette corrélation suggère que les cadeaux influencent les choix thérapeutiques, potentiellement au détriment de la santé des patients et des finances publiques.

Or, près de 90 % des médecins généralistes ont reçu au moins un cadeau depuis 2013 !

Les auteurs de l’étude n’y vont pas par quatre chemins et concluent que ce qu’ils ont mis en lumière « renforce l’hypothèse selon laquelle l’industrie pharmaceutique peut influencer les prescriptions des médecins généralistes ».

Cette conséquence n’est pas toujours consciente de la part des médecins, mais le jeu de la réciprocité, où le bénéficiaire d’un cadeau ressent une obligation implicite envers le donateur, marche à plein régime.

Quoiqu’il en soit, une prise de conscience s’avère vraiment nécessaire.

Des conséquences parfois dramatiques

L’influence des laboratoires peut conduire à des prescriptions abusives, c’est-à-dire l’utilisation de médicaments non justifiés médicalement ou en dehors des recommandations officielles, et parfois cela mène à la catastrophe.

L’affaire du Mediator en France illustre tragiquement l’une des conséquences dramatiques possibles.

Ce médicament, initialement destiné aux diabétiques en surpoids, a été largement prescrit comme coupe-faim, entraînant des effets secondaires graves et plusieurs décès.

Qui plus est, le scandale ne s’arrête pas là, car les liens étroits entre les laboratoires Servier et certains professionnels de santé ont retardé le retrait du médicament du marché, et ce, malgré les alertes répétées.

Résultat : on estime le préjudice pour la Sécurité sociale à 1,2 milliard d’euros et le nombre de morts entre 500 et 2000 selon les sources !

À ce sujet, je vous invite d’ailleurs à relire ma lettre traitant de ce scandale : https://nouvelle-page-sante.com/scandale-sanitaire-la-france-encore-championne/

Big Pharma au cœur du problème

Il faut savoir que le lobbying pharmaceutique commence dès la Faculté de Médecine.

L’industrie pharmaceutique est omniprésente et offre des cadeaux aux étudiants, organise des conférences et des formations, finance les déplacements des étudiants à des congrès médicaux…

On croit rêver !

Cela devenait tellement problématique qu’une association a entrepris de classer les facultés de médecine en fonction de leur politique de prévention des conflits d’intérêts avec l’industrie pharmaceutique[3].

L’initiative provient de FORMINDEP, un collectif qui milite pour une formation médicale « indépendante de tout autre intérêt que celui de la santé des personnes. »

Ce classement a vu le jour en 2017 et a permis de faire un peu évoluer les choses.

Le dernier date, à ma connaissance, de 2021, et le constat est que « le chemin vers l’indépendance est encore long ».

À l’époque, sur les 36 facultés de médecine, une seule, Lyon Est, obtenait un score au-dessus de la moyenne avec 18 points sur 34 possibles.

Venaient ensuite 11 facultés ayant entre 10 et 14 points, et les 24 autres tombaient sous les 10 points…

Globalement, parmi les mesures qui ont été instaurées pour encadrer les relations entre les professionnels de santé et l’industrie pharmaceutique, notons la loi dite « anti-cadeaux », qui interdit aux entreprises produisant ou commercialisant des produits de santé de proposer des avantages aux professionnels de santé.

Par ailleurs, la base de données publique « Transparence Santé », mise en place en 2014, recense les liens d’intérêts entre les professionnels de santé et les entreprises du secteur. (Si le coeur vous en dit vous pouvez taper le nom de votre médecin ICI et voir s’il a déclaré avoir reçu des dons, cadeaux ou autre financement de la part de labos.)

Cette initiative permet une transparence accrue et offre aux patients la possibilité de s’informer sur les relations potentielles entre leur médecin et l’industrie pharmaceutique[4].

Ça, c’est la théorie…

Parce que dans les faits, cette base de données est si mal conçue que ses informations sont au final incompréhensibles.

Allez y jeter un œil, cela vaut son pesant de cacahuètes !

Bref, comme toujours, on avance, mais à pas de fourmi…

Une prise de conscience nécessaire

Malgré les quelques mesures réglementaires mises en place, une véritable prise de conscience collective est nécessaire pour transformer les pratiques.

Les facultés de médecine se doivent de jouer leur rôle en sensibilisant les futurs médecins aux enjeux des conflits d’intérêts et en les formant à une pratique indépendante.

En tant qu’acteurs de notre propre santé, nous ne devons pas hésiter à interroger notre praticien sur les choix thérapeutiques proposés et sur ses éventuels liens avec l’industrie.

Cela ne doit pas être un tabou, il en va de notre santé !

Êtes-vous attentifs aux prescriptions de votre médecin ?

Êtes-vous comme moi révoltés par le business qui est fait autour de la santé, qui met parfois des vies en danger ?

Vos commentaires sont les bienvenus.

5 2 votes
Évaluation de l'article

Sources :

Merci de ne poser aucune question d’ordre médical, auxquelles nous ne serions pas habilités à répondre.

En soumettant mon commentaire, je reconnais avoir connaissance du fait que les éditions Nouvelle Page pourront l’utiliser à des fins commerciales et l’accepte expressément.

S’abonner
Notification pour
guest

7 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Martin
Martin
10 jours il y a

Bien sûr que je suis révoltée par ce business ! La « crise Covid » m’a ouvert les yeux et je suis maintenant très critique envers tout le système. Je me suis maintenant rapprochée des médecines autres que la conventionnelle.
Merci pour vos articles !

CONSTANTIN BEATRICE
CONSTANTIN BEATRICE
3 jours il y a
Répondre à  Martin

vous avec raison.

Daniel
Daniel
10 jours il y a

Depuis des années, même pas le moindre stylo en cadeaux aux médecins libéraux, vous êtes en retard de 30 ou 40 ans et ne vous plaignez pas si vous ne trouvez pas de médecin traitant au prix sécu !

François Xavier
François Xavier
10 jours il y a

Bonjour, je fais suite à la lecture de votre article, fort intéressant, qui ne reflète cependant et malheureusement pas tout à fait la réalité. Vous connaissez bien apparemment le monde médical et pharmaceutique, et vous n’êtes pas sans savoir que le médicament et l’information sur les médicaments et dispositifs médicaux sont encadrés depuis 1993 par la loi « anti-cadeau », renforcée en 2011 par la loi Bertrand et en 2013 par le Décret n° 2013-414 du 21 mai 2013 relatif à la transparence des avantages accordés par les entreprises produisant ou commercialisant des produits à finalité sanitaire et cosmétique destinés à l’homme. Les… Lire la suite »

Annie
Annie
10 jours il y a

Je suis écœurée par le business fait autour de la santé et je n’ai plus aucune confiance en la médecine conventionnelle qui fait plus de mal que de bien à cause des traitements chimiques ainsi que de la manipulation des médecins pour obliger les patients à prendre leurs traitements nocifs, soi-disant pour leur bien… J’ai décidé de dire STOP à tout traitement allopathique, je me soigne avec des compléments alimentaires naturels et depuis des années, ma santé s’est considérablement améliorée ! De plus, je ne voulais pas dépendre à vie d’un médecin et de traitements allopathiques car c’est mon corps,… Lire la suite »

CONSTANTIN BEATRICE
CONSTANTIN BEATRICE
3 jours il y a
Répondre à  Annie

EXACT

Mine
Mine
9 jours il y a

Bonjour, suite à un infarctus, on m’a donné d’emblée 8 médicaments à prendre pendant 1 an minimum… les effets secondaires ont été tels que j’ai tout arrêté au bout d’1 mois excepté l’anticoagulant. Je n’ai ni diabète, ni cholestérol mais j’ai fumé pas mal dans ma vie et ai suivi un traitement Hormonal substitutif chimique à la menaupose pendant 10 ans … certainement cause de mon infarctus. .dernier examen de vérification (test d’effort sous échographie) montre un cœur qui a complètement récupéré. Mot de ma cardiologue « c’est parfait madame, le traitement à tres bien fonctionné , vous allez encore le… Lire la suite »

Suivez-nous sur Facebook

7
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x

Quel est votre profil énergétique ?

Découvrez votre personnalité énergétique et le type d'alimentation qui vous correspond le mieux.

Close