Le danger des opiacés - Nouvelle Page Santé

Le danger des opiacés

Thierry, passionné de tennis depuis son adolescence et aujourd’hui âgé de 58 ans, souffre de lombalgies chroniques depuis plusieurs années.

Pour le soulager de ces douleurs récurrentes, son médecin lui a un jour prescrit un antalgique opioïde.

« Hyper efficace ! » Voilà ce que s’est dit Thierry, ravi de pouvoir reprendre rapidement le tennis après une crise particulièrement douloureuse.

Ce qu’il n’avait pas vu venir, c’est qu’il venait de plonger tête la première dans une dépendance dont il a eu le plus grand mal à se défaire.

Il est aujourd’hui sorti d’affaire… mais tous n’ont pas eu cette chance.

Pourtant, nous sommes prévenus

Chaque année, des millions de Français bénéficient, comme Thierry, d’une prescription d’antidouleurs puissants mais hautement addictifs.

Vous avez peut-être déjà vous-même croisé la route de ces médicaments : tramadol, oxycodone, fentanyl…

10 millions de Français ont reçu au moins une prescription en 2015, selon le dernier état des lieux dressé par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) en 2019[1].

On y apprend que la consommation des antalgiques opioïdes ne cesse d’augmenter, tout comme leur mauvais usage, les intoxications et les décès qui leur sont liés.

Autre information : les médecins ne se contentent pas de prescrire des opiacés dits « légers » (si on peut dire) comme le tramadol (prescrit à lui seul à 6 millions de patients). Ils prescrivent aussi des substances telles que la morphine (premier antalgique puissant prescrit), l’oxycodone et le fentanyl.

Et il s’agit bien d’une tendance générale si l’on en croit ce chiffre : entre 2006 et 2017, la prescription d’opioïdes forts aurait augmenté d’environ 150 % !

La surprescription banalisée de ces antidouleurs est considérée comme le déclencheur d’une crise sanitaire majeure aux États-Unis.

C’est près de 700 000 décès qui sont à mettre sur le compte de ces médicaments entre 1999 et 2022[2].

Nous ne pourrons pas dire que nous n’avions pas été prévenus…

Une tragédie qui se règle à coup de milliards

Le laboratoire américain Purdue Pharma, fabricant de l’anti-douleur OxyContin, vient de conclure un accord avec quinze États américains et devra payer au total 7,4 milliards de dollars pour indemniser les victimes de leurs opiacés.

Selon la Cour suprême, Purdue Pharma aurait vendu son anti-douleur phare durant des années en minimisant largement ses effets addictifs.

Ce laboratoire n’est cependant que la partie émergée de l’iceberg.

En décembre dernier, c’est le cabinet de conseil américain McKinsey qui avait accepté de verser  650 millions de dollars pour s’éviter un procès lié à son rôle dans la crise des opiacés.

En effet, McKinsey avait conseillé des groupes pharmaceutiques, dont Purdue Pharma.

D’autres laboratoires sont également poursuivis, comme Teva, Allergan, EndoHealth Solutions.

Tous sont accusés d’avoir provoqué ce qu’on appelle « la crise des opioïdes » outre-Atlantique.

Cette catastrophe sanitaire provient au départ de la sur-prescription et de la promotion de médicaments antidouleur très addictifs dans les années 1990.

Des centaines de milliers de décès et d’hospitalisations à la suite d’overdose, et ce, dans toutes les catégories de population ; voilà où nous en sommes aujourd’hui.

Pour vous donner une idée des chiffres hallucinants qui ont été divulgués : rien qu’en 2021, ces substances ont causé 45 décès par jour !

En 2023, près de sept décès par overdose sur dix aux États-Unis impliquaient du fentanyl fabriqué et vendu illégalement, soit un total d’environ 72 000 décès.

Il faut en effet savoir que ces médicaments opiacés font maintenant l’objet de trafics illégaux au même titre que la cocaïne ou l’héroïne.

La puissance de ces opioïdes synthétiques les rend exceptionnellement dangereux, entraînant souvent des conséquences rapides et fatales pour les personnes qui en deviennent dépendantes.

La présence massive et exponentielle de ces substances dans 37 États démontre l’ampleur de la crise.

Pour compliquer encore un peu les choses, on trouve du fentanyl à divers dosages dans plusieurs médicaments, et on peut donc en consommer sans le savoir, ce qui augmente le risque de surdose.

Des effets surpuissants

Thierry, dont je vous parlais en début de lettre, l’avoue : « Les effets étaient incroyables, incomparables avec les antalgiques que j’avais connus auparavant. »

Le problème ? Pour que cette efficacité perdure, il faut augmenter les doses au-delà de la posologie fixée par le médecin.

Thierry, qui voulait continuer à faire de la compétition sans avoir à subir son mal de dos infernal, n’a pas tardé à augmenter les doses.

Lorsqu’il a pris conscience de ces abus, grâce à sa femme, il était déjà trop tard.

Il a bien cherché à diminuer les doses, mais il en subissait les conséquences : apparition de sueurs froides, anxiété, vertiges, douleurs, besoin irrépressible de mettre la main sur une boîte de médocs pour que tout cela cesse…

En fait, les symptômes de manque à ces antalgiques opioïdes sont les mêmes que ceux qu’on ressent lorsqu’on est en manque d’héroïne.

Voilà comment on en vient à se tourner vers des sources d’approvisionnement illicites et que l’on arrive à l’état d’urgence qui sévit aux États-Unis.

Les effets de ces médicament sur l’organisme sont extrêmement dangereux si on ne suit pas la posologie.

Les molécules se lient aux récepteurs opioïdes du cerveau qui sont responsables de la régulation de la douleur et du plaisir.

Cela a pour effet d’atténuer la douleur et de déclencher une sécrétion importante d’endorphines, créant une intense sensation d’euphorie.

Cela conduit également à une dépression respiratoire, et en cas de surdose, la respiration devient dangereusement lente ou finit même par s’arrêter. C’est ce qui provoque le décès.

La puissance du fentanyl, par exemple, est sidérante : 2 milligrammes, soit l’équivalent de la taille de quelques grains de sel, peuvent s’avérer mortels.

Cela le rend 50 fois plus puissant que l’héroïne et 100 fois plus puissant que la morphine ![3]

On comprend aisément qu’il faut faire preuve de la plus grande prudence lorsqu’on envisage de prendre ce genre de médicaments.

À l’évidence, les campagnes publicitaires des compagnies pharmaceutiques qui ont accompagné la mise sur le marché de produits aussi puissants, devraient être tout simplement interdites.

Nous ne sommes pas encore dans la situation catastrophique des États-Unis, mais il me semblait important de lancer une alerte à ce sujet.

Vous a-t-on déjà prescrit des anti-douleur à base d’opiacés ?

Pensez-vous, comme moi, que la publicité pour les médicaments (quels qu’ils soient) devrait être interdite ?

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Évaluation de l'article

Merci de ne poser aucune question d’ordre médical, auxquelles nous ne serions pas habilités à répondre.

En soumettant mon commentaire, je reconnais avoir connaissance du fait que les éditions Nouvelle Page pourront l’utiliser à des fins commerciales et l’accepte expressément.

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Laura
Laura
14 jours il y a

Je suis entièrement d’accord.
J’ai un proche qui a connu le problème et qui est aujourd’hui malheureusement décédé d’un problème cardiaque….
Je pense très certainement que la prise de ces médicaments y sont pour quelque chose également.
Il faudrait que l’Agence Nationale du Médicament mette en place une campagne d’information importante sur a dangerosité et les effets néfastes de ces médicaments.

DUQUESNE-PINELLI Claudie
DUQUESNE-PINELLI Claudie
13 jours il y a
Répondre à  Laura

Excellente remarque !

Farah
Farah
14 jours il y a

oui je suis complément d’accord avec vous les médecins qui les prescrive devraient être poursuivi

Berger
14 jours il y a

Bonjour, je prends du tramadol depuis vingt ans pour une fibromyalgie. Je voudrais essayer de me sevrer avançant dans l’âge et suite à une chute (conséquences du tramadol d’après mon médecin). Malheureusement bien que n’ayant réduit que de moitié la dose du matin, je suis très très mal. Douleurs ++, nausées et crises d’angoisse. J’espère pouvoir tenir le coup mais pour l’instant je ne suis pas dans mon état normal.

Maflor
Maflor
13 jours il y a

Merci de soulever si clairement ce sujet de l’usage des anti-douleurs. Pour moi, le problème ne sera de loin pas résolu en interdisant la publicité car ça n’empêchera pas les médecins de les prescrire. C’est une bascule complète qu’il s’agit d’effectuer en enseignant aux individus à comprendre le sens de leurs symptômes et la façon dont ils les créent. « le mal a dit ».. Il s’agit aussi pour chacun de prendre conscience du pourquoi il s’entête dans une activité qui lui fait du tort. Evidemment, au premier degré, c’est facile à expliciter mais au plus profond de soi il y a… Lire la suite »

Eccli
13 jours il y a

La prescription de médicaments doit incomber exclusivement aux médecins. Aucune publicité ne devrait être tolérée, ce ne sont pas des biens de consommation. Mais les informations donnees y compris par les pharmaciens sont infimes et le suivi et le sevrage peu ou pas effectués par les médecins. Le renouvellement d’ordonnance est trop systématique.
Oui j’ai eu ce type d’antalgiques, mais je sais gérer, et pas eu de problèmes. Et personne ne dit que ces médocs ne servent plus à rien au bout d’un moment quand les récepteurs sont satures.

Nad G
Nad G
13 jours il y a

Oui j’ai eu des opiacés, lamaline, Dafalgan codéiné pour tenter de réduire la douleur, oui je les ai arrêtés Parce que c’est la cause de la douleur qui doit être recherchée et comprise. Mettre une rustine sur une jambe de bois n’a jamais guéri la jambe.
J’ai de la chance mais la douleur est là…

DUQUESNE-PINELLI Claudie
DUQUESNE-PINELLI Claudie
13 jours il y a

Oui, je pense vraiment qu’il ne faut AB-SO-LU-MENT PAS DE PUB sur les médocs quels qu’ils soient, & tt particulièremt concernt les opioïdes !!!

schubert
schubert
12 jours il y a

en 1962 je reçois une giffle d’une très grande violence dans le cou . douleur extrème. la radio ne décèle pas d’anomalie notable, mais une douleur terrible s’installe que rien n’apaise.en 1995, un irm permet de déceler l’origine de la douleur mais pas de soin efficace. ce n’est qu’en 2010 que mon généraliste me demande si j’ai essayé le tramadol.je dis que non .depuis, je suis sous ce médicament et si l’arthrose subsiste ainsi qu’une gêne pour tourner le cou et probablement une extension de petites douleurs dans les epaules et dans les mains ma vie n’est plus un enfer

Sylvia
Sylvia
11 jours il y a

Tout a fait d’accord : avec la pub, les médicaments sont banalisés comme de vulgaires paquets de biscuits.

Nison Nathalie
Nison Nathalie
11 jours il y a

J’ai eu plusieurs graves accidents dans ma vie et à chaque fois on m’a prescrit du tramadol même quand je le refusais. La première fois que j’en ai utilisé,j.ai été soufflée par ses effets. Au début la douleur disparaissait puis d’un coup elle réapparaissait brutalement et sans logique. Je me suis retrouvée dans la rue paralysée par une douleur foudroyante. Plutôt que d’en reprendre j ‘ai donné mes boîtes restantes au pharmacien qui m’a simplement dit « vous avez raison »

Julie
Julie
6 jours il y a

A la suite d’une chute d’une échelle mon mari s’est vu prescrire du Tramadol aux Urgences, pour côte cassée et tassements de vertèbres. Au bout de 3 semaines les douleurs ne passant pas, les Urgences ont ajouté Nefopam en plus. 1 seul comprimé a suffi à le faire délirer pendant 3 jours et 3 nuits, ne sachant plus qui il était ni où il était, avec somnolence irrépressible. Le médecin traitant auquel on raconte cela affirme que Tramadol n’est pas un opiacé ! Heureusement tout est rentré dans l’ordre, pas de séquelles cognitives et côte guérie entre temps. Mais petite… Lire la suite »

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