Cela fait vingt ans.
Vingt longues années que Bertrand prend tous les matins deux gélules d’antidépresseurs.
Pas le petit déjeuner rêvé, certes.
Mais il n’a pas le choix.
Ce traitement prescrit par son psychiatre le maintient à flot, c’est vrai. Mais que de hauts et de bas !
La dépression est là, tapie dans l’ombre, et il le sait très bien.
Elle n’attend qu’une occasion, qu’un choc, qu’une mauvaise nouvelle pour refaire surface.
Au fil des années, Bertrand a changé plusieurs fois de molécules. Mais le constat reste la même : il n’a jamais retrouvé goût à la vie…
Presque 70 ans de recul pour quel constat ?
L’apparition des premiers antidépresseurs remonte à la fin des années cinquante.
Les antidépresseurs tricycliques sont les premiers découverts en 1957.
Sont ensuite mis sur le marché les inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO).
Mais les nombreux effets secondaires de ces deux catégories de médicaments ont poussé la recherche vers de nouvelles molécules mieux supportées.
Ainsi sont apparus les inhibiteurs sélectifs de recapture de la sérotonine (ISRS), comme le Prozac, à la fin des années 80.
« La pilule du bonheur » disait-on à l’époque…
On en est revenu depuis.
Et pour finir, en 1997, est apparue une dernière classe d’antidépresseurs : les inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (ISRSNA).
Que peut-on dire de ces traitements depuis qu’ils ont été présentés comme LA solution aux problèmes de dépression ?
Eh bien d’abord, qu’ils rapportent beaucoup d’argent aux laboratoires : les ventes sont passées de l’équivalent de 84 millions d’euros en 1980, à 543 millions d’euros en 2001 ! Un chiffre presque multiplié par 7, alors que dans le même temps, les ventes globales de médicaments n’ont été multipliées « que » par 2,7[1].
Selon Arianne Denoyel, dans Génération Zombies, enquête sur le scandale des antidépresseurs, leur succès pourrait bien s’expliquer par un habile coup marketing, savamment orchestré.
Entre 2000 et 2020, la consommation d’antidépresseurs a continué à exploser, tout comme le nombre de dépressions.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) révèle qu’à l’échelle mondiale, le nombre de personnes anxieuses et/ou dépressives a augmenté de 18 % entre 2005 et 2015. La pandémie de Covid-19 a aggravé la situation, avec 25 % de personnes concernées en plus par rapport à 2019[2].
La prise en charge des épisodes dépressifs répond depuis des années au même protocole :
Antidépresseurs + éventuellement des anxiolytiques et une psychothérapie.
Comme c’est le cas pour Bertrand, cela permet de reprendre une vie à peu près normale… sans pour autant se débarrasser réellement du problème.
Parallèlement, on estime que la dépression résistante concernerait 15 à 30% des patients[3].
Par “dépression résistante”, on entend des dépressions pour lesquelles les traitements sont inefficaces.
C’est un chiffre important.
Si de plus en plus de personnes sont atteintes et les traitements peinent à convaincre, le temps n’est-il pas venu de s’interroger sur la stratégie qui est menée depuis 70 ans ?
Les causes profondes de la dépression de plus en plus contestées
Depuis les années 80, l’idée que le manque de sérotonine dans le cerveau entraîne un état dépressif s’est imposée jusqu’à être considérée comme un fait prouvé et avéré.
Par conséquent, les antidépresseurs n’ont qu’un seul but : maintenir un taux de sérotonine élevé dans le cerveau.
Or, en 2022, une équipe de scientifiques a mis en lumière que nous faisons peut-être fausse route dans le traitement des dépressions [4][5].
Il semblerait qu’en réalité les choses ne se résument pas à la sérotonine.
Les chercheurs avancent que les effets positifs des molécules contre la dépression ne sont pas clairs et que les marqueurs biologiques de la dépression ne diffèrent pas de manière significative entre un cerveau dépressif et un cerveau sain.
Après avoir décortiqué 17 études sur la question, leur conclusion est sans appel : « Les principaux domaines de recherche sur la sérotonine n’apportent aucune preuve cohérente de l’existence d’une association entre la sérotonine et la dépression, et n’étayent pas l’hypothèse selon laquelle la dépression est causée par une diminution de l’activité ou des concentrations de sérotonine. »
Pire encore :
« Certaines preuves étaient compatibles avec la possibilité que l’utilisation à long terme d’antidépresseurs réduise la concentration de sérotonine. »
Un véritable pavé dans la mare.
Nous faisons apparemment fausse route depuis des décennies !
Des réactions en demi teinte
En réponse à cette étude, les psychiatres rétorquent que la manière dont les antidépresseurs agissent importe peu. L’essentiel selon eux ? Qu’ils soient efficaces pour une majorité de patients.
Les chercheurs qui ont mené l’étude polémique ne sont pas d’accord.
Et pour tout vous dire, moi non plus.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les essais cliniques montrent que l’efficacité des antidépresseurs est à peine supérieure à celle d’un placebo, avec seulement deux points d’écart sur une échelle de 52.
Je vous donne d’autres chiffres édifiants : dans le podcast Grand bien vous fasse ! du 28 février « Antidépresseurs : utiles ou dangereux ? » voici ce que nous apprennent les experts[6] :
D’après une étude parue en 2008, l’efficacité des antidépresseurs est passée de 94 % à seulement 51 %.
Et selon une autre étude récente, l’efficacité des antidépresseurs ne serait que de 15 % si on prend en compte l’ensemble des études.
Pour Marina Carrère d’Encausse : « On s’est rendu compte vers 2008 qu’on n’avait pas tenu compte de toutes les études. On ne collectait que les meilleures, et non celles qui montraient une inefficacité ou des effets secondaires. On a constaté que l’efficacité était beaucoup moins importante que ce qu’on pensait depuis 30 ans.»
En outre, les études sur les antidépresseurs s’étalent en moyenne sur une période de six à huit semaines et ne donnent aucune garantie sur l’intérêt d’en prendre sur de longues périodes.
Quand on connaît les effets secondaires parfois graves des antidépresseurs (nausées, vomissements, gain de poids, maux de tête, sédation, diminution du désir, troubles de l’érection, atteinte du foie et des reins, dépendance etc…), on se demande alors s’il est pertinent d’en prescrire autant.
Je vais vous dire ce que son psychiatre a dit à Bertrand lorsque la décision de le mettre sous antidépresseur a été prise :
« Vous n’avez pas le choix si vous voulez retrouver une vie normale. La dépression c’est chronique, comme le diabète, vous allez devoir être traité toute votre vie.»
🥶Glaçant… et totalement démenti par les dernières découvertes. ❌
Si les antidépresseurs modifient la chimie du cerveau, sans preuve qu’ils rectifient quoi que ce soit, alors il faut revoir notre copie d’urgence !
De nouveaux traitements voient le jour
La priorité est de mieux comprendre les mécanismes à l’œuvre dans la dépression.
Avec les progrès spectaculaires des techniques de neuro-imagerie qui permettent de voir fonctionner le cerveau en temps réel avec toujours plus de précision, on peut raisonnablement espérer faire de nouvelles découvertes rapidement.
Les chercheurs ont par exemple découvert que certains neurotransmetteurs, comme le glutamate ou le GABA, pourraient avoir un rôle infiniment plus important que la sérotonine dans la manifestation de la dépression[7] [8].
Un bloquant de récepteur du glutamate, l’eskétamine, vient d’ailleurs d’être autorisé par les autorités sanitaires européennes comme traitement antidépresseur.
Dérivé de la kétamine, un anesthésique, il a le double avantage d’être efficace sur les patients résistants aux antidépresseurs classiques et d’agir, via un spray nasal, en quelques heures, contre plusieurs semaines avec les traitements traditionnels.
Mais la prudence reste de mise : il faudra évaluer les effets à long terme avant de crier victoire.
Le rôle de l’inflammation et du stress chroniques est également de plus en plus étudié ces derniers temps.
Un taux élevé de cortisol, l’hormone du stress, a été relevé chez certains patients dépressifs… mais pas tous.
Quant à l’inflammation, on observe chez certains patients des biomarqueurs sanguins qui lui sont spécifiques.
Ce qui est de plus en plus admis est que la dépression est une maladie qui nécessite une prise en charge globale.
Les facteurs déclenchant doivent être pris en compte : qu’ils soient sociétaux, traumatiques, environnementaux, etc.
Lorsqu’un événement social ou familial perturbe la construction du cerveau dans les premières années de la vie, les risques de développer une dépression à l’âge adulte augmentent considérablement.
À mon humble avis, un bon point de départ consiste à adopter une hygiène de vie saine : activité physique, alimentation équilibrée, détente, relations sociales enrichissantes, travail épanouissant, etc.
Ajoutez à cela la pratique régulière de la méditation en pleine conscience, qui a montré des résultats très encourageants dans la prévention des rechutes.
Pour le reste, il nous faudra encore mieux comprendre les mécanismes de la dépression pour en venir véritablement à bout.
Un dernier conseil : les antidépresseurs restent à ce jour la meilleure solution pour traverser une période difficile.
Mon intention n’est pas de vous en détourner, mais de vous informer. Alors, suivez les recommandations de votre médecin !
Et vous, que pensez-vous des antidépresseurs ? Vous ont-ils été utiles ?
N’hésitez pas à échanger avec moi en commentaires !
Bonjour
Après un épisode de prise d’anti dépresseurs ( 6mois) dont j’ai eu le plus grand mal à me sevrer, lorsque mon médecin a suggéré de m’en prescrire à nouveau pour un burn-out , je les ai, à sa grande surprise, refusés.
J’ai commencé la méthode de méditation du Dr Dispenza, et me suis débarrassée de ce burn-out en 5 jours.
Depuis je médite régulièrement et je vais très bien.
Oui, on est d’accord…
À chaque fois que je baisse la prise d’antidépresseurs, sur avis du médecin (paroxetine), le moral et l’énergie chutent très vite, il faut que je retrouve la dose précédente. Et, pour équilibrer l’humeur, je prends maintenant en permanence, depakote. Et pourtant, je veux le moins de chimie possible. Est-ce de la dépendance ?
J’ai 70 ans et j’ai dû prendre des antidépresseurs 3 fois dans ma vie. Je savais que ce n’était pas la panacée et donc je ne les ai pas pris sur de longues durées. J’ai arrêté de moi-même (progressivement comme indiqué). Maintenant, quand je n’ai pas le moral j’essaye toujours les remèdes doux comme le millepertuis et autre plantes relaxantes. Et cela fonctionne très bien pour moi. Merci pour vos articles très intéressants et instructifs.
Je ne pense pas qu’il y ait que 30% des gens qui sont sous antidépresseurs.. mais bien plus!
Il n’y a qu’à observer le nombre de ZOMBIS autour de nous, qui ont un mal fou à réagir!…rien d’étonnant qu’on se retrouve avec des autorités qui MANIPULENT…les moutons endormis… est-ce que ce n’est pas voulu tout ça ?????????? Si vous n’êtes pas sous l’emprise de ces remèdes, RÉFLÉCHISSEZ ..
Bonjour, j’ai été traitée par Fluoxetine ( 1 comprimé puis 2 puis 1 puis un demi ) pendant environ 4 ans associée à une longue psychothérapie de plus de 12 ans. J’ai eu des effets positifs sur les premiers mois, avec cependant un besoin d’anxiolytiques que je pensais être lié à ma dépression. En effet, cette angoisse latente, que je ne connaissais pas antérieurement ne m’a jamais quitté lors du traitement et a été parfois si inconfortable qu’elle venait entacher le peu d’effet sur la dépression. On est passé à deux comprimés, pas mieux. On est revenus à un comprimé… Lire la suite »
Quel sujet sensible !
Je peux dire que le sujet me concerne particulièrement.
Grâce aux inhibiteurs de la récapture de la sérotonine j ai survécu .
Maintenant, après une analyse de Microbiote , je réalise que j avais une intolérance au Lactose et au gluten, entraînant une mauvaise digestion des protéines.j ai terminé cette année « digestive « par un complément pro biotique « Lactibiane « et je ressens cette amélioration « cérébrale « .
Je pense que j ai trouvé le Grall.Je vous le SOUHAITE !!!
Dépressif pendant 1 an suite à une chute en kitesurf, j’ai pris du Citalopram 6mois sans résultat. Je suis passé à HE de lavande avec un médicament phyto: Arkopharma moral + à base de safran et aujourd’hui tout va bien.
Bonjour Laurent et merci de vos communications intéressantes , enrichissantes et menant chacun à une saine réflexion sur ces sujets majeurs concernant la santé de l être humain … ceci dit elle si la “ composante marketing “ est aussi présente et toujours sous jacente mais il faut à votre entrepris des revenus certainement conséquents pour continuer à vivre et prodiguer des informations ( et parfois conseils) que nous espérons tous – nous lecteurs et utilisateurs de vos sites voisins et inter connectés … c est ainsi ! – le plus possible objectifs et désintéressés donc assez intègres ….soyons fous… Lire la suite »
Merci Cornélie pour ce beau témoignage ! Votre parcours est très intéressant et il ouvre des pistes de réflexion supplémentaires. Meilleures pensées. Laurent
Bonjour, à 26 ans je me suis marie avec un alcoolique et peu après je suis tombe dans la dépression. Je n’ai jamais pris un médicament contre, mais nous avons chercher et trouver une solution au problème: les AA. On nous a aide a surmonter le,gros problème. Mon mari a pu arrêter l’alcool et moi je me suis remis a voir la vie du bon cote. Après cette douloureuse période j’avais l’impression que rien me.pourrait encore faire souffrir! Cette période m’a fait grandir, elle m’a donne de la force. Je suis devenu une positivo. Ces dernières dix ans j’ai perdu… Lire la suite »
La chute de votre article me laisse un peu perplexe ! Quel médecin écouter ? Certainement pas celui de votre exemple qui recommande à son patient les anti dépresseurs à vie, ni celui de mon mari qui lui disait qu’il pouvait doubler sa dose sans problème. Et quand on est en état de faiblesse, on est prêt à écouter SON médecin !!!! A part ça votre article est très intéressant et instructif
Bonjour, Merci pour votre lettre. J’ai observé que les anti-dépresseurs ne sont pas une aide, bien au contraire. Le seul cas où ils peuvent être utiles, c’est quand une personne est au plus mal, qu’elle risque de se suicider. Prendre alors un antidépresseur pendant une semaine ou 15 jours tout en étant suivi par un médecin (une visite ou un coup de fil par semaine), ça permet d’éviter le pire. Je l’ai observé chez une personne. Donc, l’usage doit être très ponctuel. Les antidépresseurs sont prescrits aux personnes souffrant d’un « mal-être ». Or, ce mal-être est causé par un ou des… Lire la suite »
Je vous rejoins entièrement.
On ne parle pas assez des échecs de ces traitements.
Depuis 5 mois ma mère souffre d’une grave dépression.
5 antidépresseurs n ‘ont pas fait leur effet.
Elle prend en plus un anxiolitique et un hypnotique.
Elle bénéficie pourtant des meilleurs molécules pour personnes âgées.
Que faire?
Bonjour, pourriez vous donner les références des études que vous citez? Il y a dans votre article des chiffres entre paranthèses (1), mais pas de références !
Merci
Cordialement
Bonjour, il vous suffit de cliquer sur le + à côté de SOURCES en bas de la lettre. Merci de me suivre. Bien à vous. Laurent
Bonjour, la dépression ne doit pas être vue comme une maladie mais comme un état de mal-être dont on ne parvient pas à identifier la cause et qu’on a assimilé à une maladie. La cause première de cet état n’est pas dans le cerveau mais dans la vie quoiqu’il puisse y avoir une correspondance dans le cerveau. Notre mode de vie moderne aberrant y est bien sûr pour beaucoup. Quelque-chose dans la vie de l’individu provoque cet état mais il ignore ce que c’est et ne peut peut-être même pas le concevoir. Qu’on voit cela comme une maladie participe du… Lire la suite »
Bonjour, Moi j’en prends depuis longtemps et ça n’ap pas empêché d’avoir des phases très sombres. Donc je crois qu’à ce stade-ci je les prends pour ne pas avoir d’effets secondaires. Une certaine tristesse me poursuit chaque jour. Voilà
Affligeant…
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