Alzheimer : l'autre maladie du sommeil ? - Nouvelle Page Santé

Alzheimer : l’autre maladie du sommeil ?

 

Ma grand-mère se réveillait très tôt.

Lorsque j’étais en vacances chez elle, j’appréciais modérément car elle aimait m’associer à la préparation du petit-déjeuner. Elle était anglaise, donc le petit-déjeuner constituait un vrai repas.

Parmi les mets, il y avait son fameux pain aux dattes, réputé dans toute la famille. Le fait qu’elle ne soit plus capable de préparer ce pain aux dattes a été l’un des premiers signes qui nous ont permis de prendre conscience de sa maladie.

Elle prétendait avoir perdu la recette. C’était une manière élégante de dissimuler le fait qu’elle avait réalisé sans doute elle-même qu’elle n’arrivait plus à cuisiner un plat aussi compliqué.

Alzheimer et sommeil, un lien connu depuis longtemps

Lorsqu’elle n’a plus été capable de vivre seule, nous avons découvert que, non seulement elle se levait très tôt le matin, mais elle se levait souvent la nuit, et à des heures irrégulières. Comme beaucoup de patients souffrant de la maladie d’Alzheimer, la qualité de son sommeil était très mauvaise.

De plus en plus de chercheurs se posent désormais la question dans l’autre sens : est-ce que des troubles du sommeil seraient à l’origine du développement de la maladie d’Alzheimer ?

Autrement dit : Mamie se réveillait tôt parce qu’elle souffrait d’Alzheimer, ou a-t-elle développé Alzheimer parce qu’elle dormait mal ?

C’est pendant la nuit que ça se passe

Vous connaissez probablement déjà cette image : des plaques blanches, qu’on retrouve dans le cerveau des personnes atteintes d’Alzheimer. Il s’agit de la manifestation physique la plus tangible de la maladie.

C’est en les découvrant, lors de l’autopsie d’Auguste Deter, le premier sujet identifié, que le médecin Aloïs Alzheimer a pour la première suggéré l’existence d’un lien entre ces altérations du cerveau et une forme de démence particulière – maladie qui a ensuite pris son nom.

On sait de quoi sont faites ces plaques. Elles sont constituées d’un agrégat de bêta-amyloïde, qui s’accumule à l’extérieur des neurones du cerveau.

L’amyloïde est une petite protéine qui joue un rôle important dans le fonctionnement de nos synapses, les connections entre les neurones. Elle résulte de la coupure en deux, pile au milieu, d’une molécule dite précurseur de l’amyloïde (APP).

Si la coupure ne se fait pas au bon endroit, au lieu d’une amyloïde fonctionnelle, c’est la bêta-amyloïde qui est générée, laquelle s’accumule autour des neurones, les étouffant progressivement.

Pourquoi la coupure se fait mal et pourquoi la bêta-amyloïde s’accumule ? On ne sait pas. Mais on a la réponse à une autre question : quand s’accumule-t-elle ? Quand on dort moins, ou mal. Plusieurs études démontrent que l’absence de sommeil favorise l’accumulation de bêta-amyloïde dans le cerveau.

Mal dormir favorise l’accumulation de bêta-amyloïde

Une étude de l’université de Washington a mesuré à plusieurs reprises les taux de peptides bêta-amyloïdes présents dans le liquide céphalorachidien (dans lequel baigne le cerveau et la moelle épinière) chez 8 volontaires. Ceux-ci devaient faire une nuit normale, prendre un narcotique favorable au sommeil à ondes lentes (l’oxybate de sodium), ou ne pas dormir du tout[1].

Les résultats ont été nets : les taux de bêta-amyloïde chez les personnes privées de sommeil étaient de 25 à 30 % plus élevés que ceux qui avaient dormi toute la nuit. Ils étaient identiques chez les personnes ayant dormi, avec ou sans narcotique.

L’échantillon vous paraît trop petit pour être significatif ? Comme vous avez raison.

La difficulté est liée aux protocoles utilisés pour mesurer le taux de bêta-amyloïde. Dans le cas de l’étude précédemment citée, les participants devraient porter un cathéter lombaire pour récolter régulièrement un peu de liquide céphalorachidien.

L’autre manière de mesurer le taux de bêta-amyloïde est de pratiquer une IRM. C’est ce qu’a fait une équipe du National Institute on Alcohol Abuse and Alcoholism (NIAAA), avec une vingtaine de participants ayant soit passé une nuit de sommeil, soit été privés de sommeil pendant une trentaine d’heures.

Les résultats publiés en avril 2018 dans le Proceedings of the National Academy of Sciences[2] confirment les résultats précédents. Le taux de bêta-amyloïde avait augmenté de 5 % chez les participants privés de sommeil.

À noter que dans ces deux études, aucun des participants n’avait de troubles cognitifs associés à Alzheimer. Cela laisse supposer que l’accumulation de bêta-amyloïde liée à un mauvais sommeil pourrait participer au déclenchement de la maladie.

Une hypothèse confortée par l’observation de personnes présentant déjà des symptômes

Des études portant sur le sommeil de personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer confirment que, plus les symptômes sont prononcés, plus la qualité du sommeil est affectée.

Les chercheurs de la Washington University School of Medicine de Saint Louis (aux États-Unis) ont mesuré la qualité du sommeil de 145 personnes entre 45 et 75 ans[3]. 32 participants présentaient des signes précliniques de la maladie, mais n’avaient pas encore de troubles cognitifs.

Les participants tenaient un journal de leurs siestes et de leurs nuits, et des capteurs enregistraient leurs mouvements quand ils dormaient.

Or, les plus mauvais dormeurs avaient 5 fois plus de risques de présenter les premiers signes d’Alzheimer que les meilleurs dormeurs.

La qualité du sommeil plus que sa quantité

Mais plus que la quantité, c’est la qualité du sommeil qui semblerait avoir de l’influence. C’est ce que vient de démontrer une autre équipe de la même école à Saint-Louis[4].

Ils ont étudié le lien entre manque de sommeil profond et développement d’Alzheimer. Pour mener leur expérience, ils ont fait appel à 119 personnes âgées de plus de 60 ans, dont 20 % présentaient de légers troubles cognitifs.

Leur sommeil a été contrôlé pendant une semaine depuis leur domicile par un électroencéphalogramme portatif permettant de mesurer les ondes de leur cerveau pendant leur sommeil.

Le taux de bêta-amyloïde et de protéine tau (deuxième signe clinique de la maladie d’Alzheimer, après les bêta-amyloïdes) présent dans le cerveau de chacun a été mesuré.

Le paramètre ayant eu le plus d’influence n’est pas le temps de sommeil mais la quantité d’ondes lentes de sommeil (c’est-à-dire le sommeil profond et donc réparateur).

« Ce n’est donc pas la quantité de sommeil qui a un impact sur le score de tau dans le cerveau mais la qualité du sommeil », conclut le Dr Brendan Lucey.

Que faire de ces résultats dans votre cas ?

Inutile de paniquer si vous avez des difficultés à bien dormir.

Ces résultats ne signifient pas que toute personne qui dort mal est en train de développer la maladie d’Alzheimer. Mais ils confirment l’importance du sommeil, et en particulier du sommeil profond, sur notre santé en général, et sur l’état de notre cerveau en particulier.

Une mauvaise qualité de sommeil est probablement une des causes, ou un facteur aggravant, de la maladie d’Alzheimer. N’attendons pas de savoir plus précisément la part du sommeil dans le développement de la maladie pour nous préoccuper de bien dormir.

Et ma grand-mère ?

C’est gentil de demander. Elle dort depuis très longtemps, très paisiblement j’espère. Et si elle ne nous reconnaissait plus, à la fin, nous la reconnaissions de tout coeur.

 

P.S. : Le geste simple que vous pourriez faire aujourd’hui ?

Commencez par éloigner votre téléphone portable de votre lit pendant la nuit. Sortez-le carrément de votre chambre ! Il est nuisible à votre sommeil.

 

 

 

 

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jacques GUITTIER
4 années il y a

mon épouse a 88 ans .elle a cette maladie depuis 5 a 6 ans .elle dort comme un bébé ,elle fait 12 h de bon sommeil , et se lève une fois par nuit ,environ une fois par mois ….. donc je présume qu’il existe plusieurs types de cette maladie

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