Je me suis souvent accroché avec un des mes meilleurs amis à propos d’un sujet qui divise les spécialistes de la santé et de la nutrition (y compris les médecins).
Fabien est un féru de marathon et nous avons souvent de longs débats houleux sur la meilleure façon de se préparer à cet effort intense et prolongé.
Je n’ai réussi jusqu’à présent à lui faire entendre raison que sur un point : l’arrêt des produits laitiers.
Depuis, il souffre beaucoup moins de blessures dues à l’inflammation, mais c’est un autre sujet.
Concernant l’optimisation de son endurance durant les courses, Fabien est un adepte des produits sucrés (boissons et en-cas).
Je lui ai conseillé d’équilibrer ses apports énergétiques avec des graisses, mais les idées fausses ont la vie dure.
La réaction de mon ami ne s’est pas fait attendre :
« Tu dis n’importe quoi Laurent ! Si je commence à manger du gras pour préparer mes courses, tout ce que je vais gagner c’est du bide et du cholestérol. »
Eh bien cher Fabien, et chers lecteurs, je vais vous démontrer que les graisses ne méritent pas leur mauvaise réputation.
Business is business
Dans le monde de la nutrition sportive, le débat fait rage depuis des lustres entre les partisans des régimes « low-carb », plutôt axés sur les lipides, et ceux qui privilégient les glucides.
Il faut bien l’admettre, les lipides sont depuis longtemps, dans l’esprit de tous (sportifs ou non), la source de tous les maux (maladies cardio-vasculaires, obésité…).
La guerre menée contre le sucre est beaucoup plus récente.
Et si cette guerre n’était pas qu’une histoire de nutrition mais aussi (et surtout) sous influences économiques et politiques ?
La question peut paraître hors sujet… et pourtant.
Connaissez-vous Ancel Keys ?
Il est l’auteur d’une étude qui a profondément et durablement changé nos habitudes alimentaires : l’étude des sept pays, qui établit un lien entre la consommation de graisses, l’apparition de cholestérol et les maladies cardiovasculaires[1].
C’est ainsi que, sous l’influence des travaux d’Ancel Keys, les recommandations nutritionnelles américaines ont préconisé un régime faisant la part belle au glucides (60% des apports en calories sous forme de sucres, essentiellement lents), tout en mettant sur la touche les lipides (une réduction de 20 à 30% de leur consommation est alors recommandée).
La plupart des pays européens ont suivi cette voie jusqu’à aujourd’hui, faisant des lipides l’ennemi à combattre.
Qu’en est-il des décennies plus tard ?
L’obésité gagne l’ensemble de la planète, les maladies cardiovasculaires et le diabète atteignent des records.
On sait aujourd’hui que l’étude d’Ancel Keys était biaisée.
Il avait volontairement choisi sept pays qui corroboraient son hypothèse de départ.
S’il avait choisi d’autres pays – disons Israël, les Pays-Bas, l’Allemagne, la Suisse, la France ou la Suède – les résultats de son étude auraient été tout autres, car ces populations consommaient beaucoup de graisses sans être spécialement affectées par les maladies cardiovasculaires…
Parallèlement, à cette même époque, l’industrie du sucre s’est arrangée pour minimiser son rôle dans les maladies cardiovasculaires.
Business is business.
Mon ami Fabien serait-il encore sous l’influence de cette manipulation à grande échelle ?
Lipides VS Glucides : on refait le match !
Les glucides et les lipides constituent, avec les protéines, les principales sources d’énergie issues de l’alimentation.
Vous vous en doutez, ces nutriments ne sont pas utilisés de la même façon par la grande et belle usine qu’est notre organisme.
Alors, glucides ou lipides ?
Pour répondre à la question, nous pouvons commencer par les comparer en terme de calories apportées :
Avantage aux lipides donc. Mais il faut aussi prendre en compte la façon dont l’énergie est libérée, et comment elle est utilisée par l’organisme.
Les glucides présentent la libération la plus rapide : c’est une source d’énergie « coup de fouet » que l’organisme utilise immédiatement.
Mais attention au retour de bâton : les glucides simples (glucose, fructose, lactose, saccharose, etc.) provoquent des pics de glycémie.
Lorsqu’ils sont trop importants et fréquents, cela peut donner de sérieux coups de mou après l’euphorie initiale, et surtout cela peut mener au diabète de type 2 à terme.
Pour éviter cela, il faut privilégier les glucides complexes que l’on trouve dans les féculents et les céréales.
Les lipides, eux, libèrent leur énergie plus lentement. Et lorsqu’ils sont de qualité, ils ont un avantage que n’ont pas les glucides : ils sont anti-inflammatoires.
J’insiste sur ce point car c’est une sacrée différence, que l’on soit sportif ou non.
La majorité des calories apportées par les lipides est directement utilisable par l’organisme.
Mais si cette énergie n’est pas dépensée, l’organisme la stocke sous forme de graisse.
Cet excès de graisse est stocké dans l’abdomen (graisse viscérale) et sous la peau (pannicule adipeux sous-cutané), pour être utilisé plus tard lorsque l’organisme en aura besoin.
À l’instar des pics de glycémie, ce n’est pas très bon pour la santé.
Conclusion : comme dans toute chose, il y a du bon et du moins bon dans ces deux sources d’énergie.
En réalité, privilégier l’une ou l’autre va essentiellement dépendre de votre mode de vie.
Dans quel camp vous trouvez-vous ?
Il faut nuancer la vieille opposition entre gras et sucre.
Il s’agit avant tout de comprendre comment utiliser ces nutriments intelligemment, en fonction de vos besoins.
Mon ami Fabien se trouve incontestablement dans le camp de ceux qui ont besoin d’une forme d’énergie essentiellement durable, car son activité physique est basée sur l’endurance.
Prendre une barre chocolatée ou boire une boisson sucrée avant ou pendant l’effort ne lui est d’aucune utilité.
Au mieux, cela lui procurera une décharge énergétique temporaire en cas de baisse de régime…
Mais sur le long terme, il en paiera le prix en ayant une baisse d’énergie brutale.
Fabien a tout intérêt à privilégier les sucres lents et, bien qu’il soit réticent à cette idée, les lipides !
Je lui réitère donc mes conseils :
● Avoir une alimentation qui comprend une bonne dose de lipides de qualité, notamment des oméga-3 (avocat, poissons gras, noix, huile de lin, graines de chia, etc.).
● Et consommer plutôt des sucres lents avant et pendant l’effort (fruits secs, bananes, céréales sans sucre ajouté, etc.).
Les glucides simples, qui sont rapidement disponibles, doivent être réservés aux efforts de haute intensité mais courts (courses sur de petites et moyennes distances, ou épreuves de force comme l’haltérophilie par exemple).
Mais quoiqu’il arrive, les glucides complexes doivent toujours être majoritaires, surtout en dehors des pratiques sportives.
Limiter considérablement les sucres rapides est la règle !
Et pour les non-sportifs, me direz-vous ?
Privilégiez l’équilibre, et soyez attentifs à vos besoins.
Si vous avez un travail physique, il vous faudra de l’énergie disponible tout au long de la journée, et vous pourrez donc avoir un régime riche en lipides et glucides complexes.
Pour les sédentaires, il faudra privilégier les protéines et consommer moins de glucides et de lipides.
Un bon indicateur pour savoir si votre balance énergétique est équilibrée : surveillez votre poids.
Si vous commencez à avoir de la brioche ou des poignées d’amour, c’est que vous surestimez vos besoins énergétiques.
Votre organisme stocke tout simplement une réserve d’énergie excédentaire.
Et vous ? Vous méfiez-vous des lipides dans votre alimentation ? Êtes-vous un « bec sucré » et est-il difficile de vous passer de sucre ?