Il est difficile de faire le tri parmi les multiples courants de médecines alternatives.
De plus en plus dénigrées, elles suscitent la suspicion.
Les procès d’intention ou bien réels se multiplient : Irène Grosjean ou le naturopathe Miguel Barthéléry en sont des exemples récents.
L’Ordre des médecins alerte sans cesse sur les dérives thérapeutiques et évoque l’exercice illégal de la médecine à tout va.
Il devient très compliqué de savoir à qui faire confiance.
Le Docteur Hamer (1935 – 2017) fait partie de ces personnalités très controversées, c’est le moins que l’on puisse dire.
En avril 1986, l’autorisation de pratiquer la médecine lui est complètement retirée à la suite d’un procès en Allemagne.
Pourtant, de nombreux courants se réclament des travaux du Dr Hamer : biologie totale des êtres vivants, décodage biologique, psychobiologie, déprogrammation cellulaire, mémoire cellulaire, etc.
La Miviludes (ou Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) ne mâche pas ses mots : « La méthode Hamer, un fléau sectaire pour les malades atteints d’un cancer. »
Faut-il pour autant jeter à la poubelle toutes les théories qu’il a inspirées ?
De quoi parle-t-on exactement ?
Pour ceux qui ne connaîtraient pas les travaux du Dr Ryke Geerd Hamer, voici un rapide aperçu de ses théories et de son parcours.
En 1963, il obtient son doctorat de médecine.
Il pratique ensuite sa profession pendant plusieurs années à la clinique universitaire de Tübingen puis à Heidelberg, en Allemagne.
C’est au début des années 80 que sa route va bifurquer hors des sentiers battus.
Il commence à s’intéresser à la façon dont le cancer se déclare et aux traitements possibles.
Il formule alors cinq lois biologiques (5B) et commence à traiter des patients cancéreux, sans avoir les diplômes requis.
Les cinq lois en question sont :
- La loi d’airain du cancer : tout cancer, ou maladie équivalente, résulte d’un choc psychique extrêmement brutal. Le déroulement de la maladie s’opère de manière synchronisée sur 3 niveaux (psychique, cérébral et organique). Dès que le conflit cesse, la zone du cerveau perturbée cesse de donner des ordres anarchiques et les cellules s’arrêtent de proliférer.
- La loi biphasique des pathologies : cette loi introduit la notion de réversibilité de la maladie : dès que le conflit est résolu, la zone du cerveau qui était touchée va se réparer et cette reprise d’activité cérébrale normale va entraîner la restauration de l’organe malade.
- Le système ontogénétique des tumeurs : à trois semaines, l’ovule fécondé devient officiellement un embryon : une 3e couche de cellules, le mésoderme, vient s’intercaler entre l’endoderme (couche intérieure) et l’ectoderme (extérieur). L’endoderme produira, entre autres, les poumons, le foie, les intestins. Le mésoderme donnera les reins, les organes reproducteurs, les os, les muscles, le système vasculaire. L’ectoderme engendrera l’épiderme et le système nerveux. La formation des tumeurs et cancers diffère en fonction de l’origine embryonnaire des tissus.
- Le système ontogénétique des microbes : les micro organismes (microbes, virus, champignons) nous aident à éliminer les tumeurs en phase de guérison.
- La quintessence : ou l’âme de toute la Médecine Nouvelle. Elle stipule que les maladies font partie d’un programme biologique prévu par la nature. La maladie aurait toujours un sens. Elle serait utile et même vitale pour la survie de l’individu.
Pour résumer, le Dr Hamer part du principe qu’un choc émotionnel laisse une empreinte physiologique.
Par conséquent, si l’on réussit à résoudre le problème psychique, cela fait automatiquement disparaître le message de maladie envoyé par le cerveau.
Il n’y aurait donc pas de maladies incurables, mais seulement des malades temporairement incapables d’accéder à leurs facultés personnelles de guérison.
De plus, la façon dont la personne vit son traumatisme psychique (dévalorisation, colère, résistance, etc.) aurait une grande influence sur le déclenchement des maladies.
Par exemple, une perte d’emploi pourrait engendrer une profonde détresse chez une personne et provoquer une pathologie, tandis qu’une autre pourrait y voir une opportunité de changement, ne causant pas de stress excessif… ni de maladie.
On retrouve aujourd’hui cette théorie sous diverses appellations comme « Médecine nouvelle germanique », « Décodage biologique » ou « Biologie totale ».
Sûr de ses travaux, Hamer présente en 1981 une thèse à l’Université de Tübingen, intitulée « Le syndrome d’Hamer et la Loi d’Airain du cancer ».
La thèse est rejetée pour insuffisance scientifique dans la forme et la méthodologie.
En 1986, l’autorisation de pratiquer la médecine lui est complètement retirée, puis suivront de multiples procès, la prison, et un discrédit complet jusqu’à son décès en 2017.
C’est bien connu : on fait dire aux chiffres ce que l’on veut
De nombreux patients suivis par le Docteur Hamer sont décédés de leur cancer, c’est un fait.
En 1997, à la suite de la mort de sept patients, il est arrêté et condamné à un an de prison.
Fin 2004, après avoir été arrêté en Espagne et extradé vers la France, un procès le condamne à trois ans de prison à la suite de la mort de plusieurs patients français.
Cela étant dit, j’ai toujours trouvé cette façon de réduire à néant la réputation de médecins non conventionnels plutôt contestable.
En effet, on estime à 162 400 le nombre de décès par cancer survenus en France en 2021[1].
Il s’agit de la 1ère cause de mortalité prématurée.
Que vous soyez conventionnel ou pas, le permis d’échouer n’est pas délivré à tous les médecins visiblement.
Question de méthodologie diront certains.
Peut-être. Mais si rien ne prouve que la méthode du Dr Hamer est efficace, et si l’on admet qu’elle s’inscrit dans une approche psychosomatique, alors il n’y a aucune raison de la balayer d’un revers de main.
Un potentiel de guérison sous exploité
« L’organisme humain est capable de fabriquer tous les médicaments de la création. Il est capable de fabriquer des antidépresseurs endogènes [à l’intérieur du corps, des tissus, ndlr], des anticancéreux endogènes, de la morphine, des anti-inflammatoires… »[2].
Cette phrase est du psychiatre et docteur en neurosciences Patrick Lemoine, l’un des rares spécialistes français de l’effet placebo.
L’effet placebo est connu de tous, aussi bien des médecins que du grand public.
Même si ses mécanismes ne sont pas complètement compris, ses effets sont tellement puissants qu’il est impossible de nier son existence.
Les effets biologiques du placebo ont été démontrés pour la première fois par le neuroscientifique Jon Levine, en 1978[3].
Ces résultats ont été confirmés par bon nombre d’études depuis.
Le principe de l’effet placebo est simple mais n’a pas vraiment d’explication scientifique : on exerce une action qui n’a, d’un point de vue scientifique, aucun effet sur un symptôme, une maladie, une douleur, etc.
On observe pourtant, objectivement, un effet sur ce symptôme, cette maladie etc.
Une autre observation fascinante des pouvoirs du cerveau est la psycho-neuro-immunologie.
Ce terme nous vient des années 1970, suite aux travaux du psychologue Robert Ader et de l’immunologiste Nicholas Cohen, qui ont étudié l’interaction entre le cerveau, les systèmes endocrinien et immunitaire et leurs pathologies associées.
Ils ont alors établi que nos pensées négatives ou un état d’esprit pessimiste influent sur le développement de certaines maladies.
À l’inverse, les émotions positives permettraient de prévenir ces pathologies.
Ainsi, un corps sain repose sur un esprit sain.
Qui aujourd’hui s’aventurerait à affirmer qu’il n’y a aucun lien entre émotion et maladie ?
Alors, le docteur Hamer : dangereux charlatan ou victime de la pensée unique ?
Comprendre sa maladie, l’époque de son apparition, ses manifestations, son évolution, n’est pas une démarche prioritaire ni spontanée pour le patient.
Nous n’avons pas été médicalement éduqués ainsi.
Cette compréhension est pourtant bien plus importante qu’on ne le croit.
C’est d’ailleurs le point de départ des découvertes du Dr Hamer.
Lui-même a été atteint d’un cancer l’année suivant le décès de son fils.
Il a alors voulu comprendre s’il pouvait y avoir un lien entre la mort de son fils et son affection.
Alors, la guérison de toutes les maladies passerait-elle par la résolution d’un choc émotionnel originel ?
La question est légitime, bien qu’il soit difficile d’affirmer qu’il s’agit là d’une recette miracle.
Ce qui pose vraiment problème vient du fait que les émules du Dr Hamer (et le Dr Hamer lui-même en son temps) prétendent pouvoir guérir toutes les maladies, et que celles-ci auraient toutes une seule et unique cause : un conflit psychologique non résolu.
Certains praticiens préconisent même d’abandonner les traitements médicaux, ce qui est absolument irresponsable.
Autre problème de taille : n’importe qui peut se réclamer des méthodes du Dr Hamer.
Tous ne sont pas des escrocs.
Mais ce problème d’encadrement peut mener à des dérives gravissimes.
Voilà comment médecine allopathique et médecine non conventionnelle se retrouvent à nouveau à se regarder en chien de faïence comme de vieux ennemis irréconciliables.
- Se détourner complètement des traitements conventionnels est une erreur.
- Ne pas profiter de ce que peuvent offrir les médecines alternatives en est une autre.
À nous de trouver le juste équilibre et de bien choisir nos thérapeutes.
Et vous, quel est votre avis sur la question ? J’attends vos commentaires !