Traumatismes, avez-vous essayé l’EMDR ?

C’est l’hiver, il pleut, un homme amaigri, fatigué, remonte péniblement la rue en pente qui mène au cabinet d’un thérapeute bien particulier.

Après être passé entre les mains de divers spécialistes sans que son état ne s’améliore pour autant, il ne lui reste plus qu’à faire confiance à son instinct pour trouver des solutions à son problème de santé.

Une plaque est fixée sur le mur, juste à côté du portail, qui garde l’accès à un joli pavillon de banlieue.

On peut y lire : Damien S. Psychopraticien, EMDR.

L’homme hésite un peu, il ne sait plus très bien où il en est, mais finit tout de même par sonner à l’interphone.

Bien qu’il l’espère de tout son être, il ne se doute pas qu’il s’apprête à faire ses premiers pas sur le chemin de la guérison.

Cet homme, je le connais parfaitement, puisque cet homme c’est moi.

Une femme, des hommes, et des traumatismes

Par pudeur, je ne vais pas m’appesantir sur le problème de santé qui m’a amené à me rendre dans le cabinet de ce praticien en EMDR.

En revanche, je suis heureux de partager avec vous ce que j’ai appris sur cette technique et sur ses bienfaits.

Les prémices de cette méthode remontent à 1987.

Dans les années 80, une Américaine, Francine Shapiro, apprend qu’elle souffre d’un cancer alors qu’elle est en pleine préparation d’un doctorat en littérature anglaise.

Elle s’intéresse alors à la psycho-neuro-immunologie, c’est-à-dire à l’effet du stress sur le système immunitaire.

Au cours de son enquête, elle découvre par hasard que des mouvements oculaires rapides lui permettent de réduire rapidement son anxiété et de faire taire ses pensées négatives.

Elle décide alors de développer un protocole qui deviendra la technique EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing, soit en français : désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires.

Les premiers résultats de ses recherches seront publiés dans le Journal of Traumatic Stress en 1989^[1].

Par la suite, ce protocole sera mis en pratique avec succès pour aider les vétérans de la guerre du Vietnam à apaiser les terribles traumatismes psychologiques, dont ils souffraient depuis leur retour.

En France, la technique sera largement démocratisée par David Servan-Schreiber, qui fonde l’association EMDR France en 2002^[2].

Si le simple fait de bouger les yeux permettait de guérir, ça se saurait !

Il est légitime de douter de l’efficacité de cette méthode, et comme vous allez le voir, d’une certaine façon, cette affirmation est tout à fait juste.

Car en réalité, on ne sait pas vraiment pourquoi l’EMDR fonctionne, pourtant, de nombreuses études très sérieuses sont là pour le prouver^[3].

L’EMDR est particulièrement efficace pour les personnes victimes de stress post-traumatique, de troubles du comportement alimentaire ou encore de phobies.

Elle permet également de venir à bout des troubles qui découlent de ces derniers comme :

• Les angoisses
• Les cauchemars
• Les états dépressifs
• La somatisation
• Les comportements violents
• La tendance à l’isolement

Mais LA grande question demeure : comment ?

On a longtemps cru que c’était le mouvement des yeux, qui était à l’origine des bons résultats obtenus.

En effet, les mouvements oculaires rapides demandés par le thérapeute peuvent être reliés aux processus observés pendant le sommeil paradoxal.

Le Dr Corinne Teulières, d’EMDR France, explique dans Le Figaro^[4] : « Les mouvements des yeux jouent un rôle capital dans le traitement des souvenirs. Pendant le sommeil paradoxal, phase pendant laquelle le cerveau intègre et traite tous les événements récents, les yeux bougent sans cesse. Pendant cette phase, de nombreuses connexions cérébrales permettent d’intégrer les souvenirs en canalisant les émotions générées, de sorte que l’on se réveille un peu différent de ce que l’on était en s’endormant. Avec l’EMDR, on sollicite ce mécanisme, mais de façon éveillée et avec l’aide d’un thérapeute. Le patient est invité à revivre son souvenir de  façon que le cerveau l’intègre de manière adaptée à l’aide des mouvements oculaires, jusqu’à ce que les émotions négatives associées disparaissent.»

En fait, pour faire simple, l’expérience négative a été si traumatisante qu’elle a perturbé le traitement naturel de l’information par le cerveau.

Résultat, elle est stockée en mémoire avec les émotions négatives correspondantes, plantée comme une mauvaise herbe au milieu de votre jardin de souvenirs.

Or avec l’EMDR, il est possible d’accéder à ces émotions, de les retraiter, et de les transformer en émotions neutres ou positives.

L’objectif est, une fois la séance terminée, que vous puissiez verbaliser le souvenir traumatique avec détachement, sans être assailli par des émotions négatives.

Toutefois, si l’implication des mouvements oculaires semble donc être une explication possible à cette “réécriture” des émotions, rien n’est cependant gravé dans le marbre à ce sujet puisque des résultats similaires ont été obtenus avec des patients aveugles en tapotant simplement alternativement les deux côtés de leur corps.

Dans ce cas précis, c’est une combinaison entre le patient et le thérapeute associé à des stimulations bilatérales qui ont assuré le traitement.

Pour ma part, les deux techniques ont été utilisées pour régler mon problème de santé, soit à la fois les mouvements oculaires et la stimulation bilatérale en tapotant alternativement mes deux cuisses.

L’EMDR est-elle faite pour moi ?

La thérapie EMDR s’adresse à tous les patients ayant vécu un ou des événements traumatiques, qu’ils soient survenus dans l’enfance ou à l’âge adulte.

Il peut s’agir :

• D’une agression ;
• De maltraitances physiques, sexuelles, ou psychologiques ;
• D’un accident violent ;
• D’un deuil ;
• D’une catastrophe naturelle ;
• D’un attentat ;
• D’une guerre…

Les traumatismes que l’on qualifie de « simples » sont, par exemple, un accident de voiture, après lequel on ne parvient plus à reprendre le volant, ou une agression dans le métro, qui empêcherait de reprendre les transports en commun.

Les traumatismes « complexes » sont, quant à eux, généralement plus anciens, et moins nets lorsqu’on les évoque.

Ils ont tendance à résister à une ou plusieurs psychothérapies.

Ils peuvent provoquer des attaques de panique sans raison apparente, des dépressions à répétition, des troubles du comportement alimentaires…

L’EMDR peut néanmoins aider, même dans ces cas plus difficiles.

Gardez tout de même à l’esprit que cette méthode n’est pas une science exacte.

C’est un outil parmi d’autres dans l’arsenal thérapeutique de la prise en charge des traumatismes.

Le plus important ? Choisir le bon thérapeute

L’EMDR repose sur un protocole précis, qui comprend une évaluation du patient avant et après les séances.

Méfiez-vous des thérapeutes qui proposent une séance d’EMDR dès le premier rendez-vous.

Il est indispensable d’avoir un échange avec votre thérapeute au préalable afin de bien cerner votre traumatisme et de vous préparer avant de démarrer la désensibilisation.

La formation en EMDR est réservée aux médecins et aux psychologues cliniciens.

Pour être certain de ne pas vous tromper, cherchez un thérapeute reconnu comme membre d’EMDR-France^[5].

Enfin, sachez que l’EMDR peut parfois engendrer des effets secondaires, comme des émotions inhabituelles, ou des rêves étranges. Il n’y a rien de grave à cela, cela signifie simplement que le travail se fait en profondeur.

Parlez-en au thérapeute qui vous suit.

La méthode est cependant déconseillée aux patients atteints de problèmes psychotiques et psychiatriques, comme la schizophrénie par exemple.

Et vous, avez-vous déjà testé l’EMDR ? Connaissez-vous ou avez-vous essayé d’autres thérapies pour surmonter vos traumatismes (magnétismes, psychothérapie etc.)

Vos commentaires sont précieux pour toute la communauté qui me suit, alors n’hésitez pas à partager votre expérience.